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« Trichotillomanie ». Le mot peut sembler rigolo, mais il désigne pourtant un trouble pénible et méconnu : un comportement répétitif qui consiste à s’arracher les cheveux, parfois jusqu’à « épiler » des zones entières du cuir chevelu. À quoi est-ce dû ? Comment en guérit-on ?
Trichotillomanie : un sérieux problème
La trichotillomanie est un trouble caractérisé par un arrachage répétitif des cheveux ou des poils (sourcils, poils pubien, axillaires…). Les personnes affectées s’arrachent cheveux ou poils de façon compulsive, un peu comme un tic, soit pour soulager une tension, une angoisse, soit par « réflexe » sans trop y penser. Les enfants et les adolescents sont les plus touchés, mais le trouble peut exister à tout âge.
La cause de cette « manie » ? Elle est mal comprise. Il s’agit toutefois d’un trouble psychologique, caractérisé par une difficulté à contrôler ses impulsions, qui aurait également des origines génétiques et neurologiques.
Si elle paraît anodine, cette affection peut avoir des conséquences importantes, tant esthétiques que psychologiques. D’abord, certaines personnes peuvent « s’épiler » au point d’avoir des zones de cuir chevelu entièrement chauves. Et bien souvent, cette habitude d’arrachage est associée à un sentiment de honte, voire de détresse psychologique : la personne se cache, n’en parle pas, à tel point que le diagnostic est souvent long à venir… D’autant plus que la maladie est assez mal connue par les médecins.
La trichotillomanie fait partie des comportements répétitifs centrés sur le corps (en anglais, « body-focused repetitive behaviors »), au même titre que l’onychotillomanie (le fait de se ronger les ongles) ou la dermatillomanie (qui consiste à se gratter ou à s’arracher la peau à certains endroits).
Trichotillomanie : des chiffres flous
Les « trichotillomanes » parlent rarement ouvertement de leur problème : difficile, donc, d’avoir une idée précise du nombre de personnes aux prises avec cette manie.
Pourtant, selon des études récentes, jusqu’à 4% de la population pourraient être concernés ! D’autres enquêtes avancent plutôt une prévalence de 1 à 3%.
Si tout le monde peut « s’adonner » à cette habitude, ce sont les enfants et les adolescents qui sont le plus sujets au problème. Ainsi, il existe deux pics de fréquence de la trichotillomanie, l’un vers l’âge de 2 ans, l’autre vers 10-12 ans.
Les filles, aux cheveux longs, seraient un peu plus fréquemment concernées que les garçons.
Des variantes du même trouble
Pendant longtemps, la définition « officielle » de la trichotillomanie (dans le manuel DSM-IV) stipulait que l’arrachage donner lieu à un sentiment d’apaisement (soulagement des angoisses, du stress) ou au contraire à une forte culpabilité une fois le geste accompli.
Aujourd’hui, les spécialistes reconnaissent deux formes du trouble (qui peuvent coexister ou se succéder chez une même personne) :
- Une forme « centrée sur le geste » : l’arrachage est un besoin impérieux qui sera effectivement suivi d’un sentiment d’apaisement ou de culpabilité.
- Une forme automatique, au cours de laquelle l’arrachage n’est pas prémédité, ni même conscient. Il n’entraine pas de sentiment de satisfaction ni de soulagement, mais se fait de façon automatique, par exemple devant la télévision ou dans une salle de classe.
Dans les deux cas, la sévérité du trouble est variable d’un patient à l’autre. Chez certaines personnes, cela peut aller jusqu’à créer des zones d’alopécie complète sur le crâne, ou à s’arracher l’intégralité des sourcils ou des poils du torse, par exemple (chez les hommes). Chez les jeunes enfants, l’arrachage des cheveux peut s’accompagner de « trichophagie », c’est-à-dire d’une mise à la bouche des cheveux qui se retrouvent dans l’estomac et peuvent entraîner des troubles gastriques.
Reconnaitre le trouble : une première étape
Il est souvent délicat pour l’entourage d’aborder le problème, surtout si la personne atteinte nie son trouble ou refuse d’en parler. Parfois, au contraire, la personne est conscience de son tic et le verbalise sans trop de gêne.
Une fois le problème « avoué », reconnu, et le diagnostic posé, il est temps de débuter un traitement.
Le but : abandonner cette mauvaise habitude, bien sûr, mais aussi soulager la détresse qui peut y être associée ou qui peut pousser la personne à faire ce geste, de façon plus ou moins consciente. Dans un premier temps, la thérapie aidera donc le patient à prendre conscience et à vivre avec sa trichotillomanie.
Trichotillomanie : comment s’en défaire?
Avant toute chose, mieux vaut être clair : il n’y a pas de traitement miracle. Comme tout trouble mental, la trichotillomanie est associée à beaucoup d’émotions, d’angoisses, et changer un tel comportement est un long processus, qui demande souvent beaucoup d’efforts et de volonté.
Même si les études manquent, il est désormais prouvé que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est le traitement de référence. Elle propose une approche personnalisée, consistant à se défaire des mauvaises habitudes en modifiant progressivement ses pensées, ses comportements, ses « réflexes » malsains.
Parmi les techniques couramment utilisées en TCC, la technique de « renversement d’une habitude » (de l’anglais « habit reversal ») est assez efficace. Le principe ? Cela peut notamment consister à effectuer un geste dès que le besoin de s’arracher les cheveux survient. Par exemple, il peut s’agir de serrer le poing, de baisser la main et de la garder « collée » au corps pour l’empêcher d’atteindre les cheveux, tout en respirant profondément pendant 60 secondes.
Cet apprentissage peut être long mais s’avère efficace dans la plupart des cas.
Et les médicaments ?
Les techniques de TCC ont fait leur preuve en cas de trichotillomanie et s’avèrent plus efficaces que les médicaments. Cependant, il est encore difficile d’obtenir une place rapidement pour un suivi en TCC et dans certains cas, un soutien pharmacologique sera nécessaire. Surtout s’il existe une réelle détresse psychologique associée.
Des médicaments psychotropes peuvent être utilisés de façon ponctuelle, en particulier chez les patients anxieux ou déprimés. La clomipramine est le seul antidépresseur dont l’efficacité a été clairement établie en cas de trichotillomanie.
D’autres antidépresseurs, comme les inhibiteurs de la re-capture de la sérotonine, peuvent toutefois être prescrits pour traiter un syndrome dépressif associé, sans avoir d’effet direct sur la trichotillomanie.
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Sources : 1. Résumés de communications. Centre Sabouraud. Juin 2011. (TRICHOTILLOMANIE, QUOI DE NEUF EN 2011. Dr Bruno MATARD. Centre Sabouraud. Hôpital Saint-Louis) 2. Consensus d’experts – Directives de traitement pour trichotillomanie, cueillette de la peau Et d’autres comportements répétitifs Body-Focused. Learning Center trichotillomanie (TLC). http://www.trich.org/. 3. Trichotillomania. Huynh M, Gavino AC, Magid M. Semin Cutan Med Surg. 2013 Jun;32(2):88-94. Review. 4. The genetic factors influencing the development of trichotillomania. KOUSHIK CHATTERJEE. 2011 5. Habit reversal training for trichotillomania. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3358939/ 6. Tricotillomania: Pathopsychology Theories and Treatment Possibilities. http://www.ima.org.il/IMAJ/ViewArticle.aspx?year=2012&month=02&page=125 |