
En pleine crise des urgences et à quelques jours des législatives, neuf syndicats et collectifs hospitaliers organisent une journée de mobilisation, mardi 7 juin, pour réclamer des hausses de salaires et d’effectifs sans attendre le résultat de la « mission flash » commandée par Emmanuel Macron. D’autres actions sont annoncées, souvent devant les hôpitaux, à Grenoble, Marseille, Nantes et Toulouse, mais aussi dans de plus petites localités, comme Aurillac, Epernay (Marne) ou Cherbourg, où Emmanuel Macron est venu la semaine dernière dans un service d’urgences.
Car c’est bien là que le feu couve : faute de soignants, au moins 120 services ont été forcés de limiter leur activité ou s’y préparent, selon un décompte de la fin de mai de l’association SAMU-Urgences de France. C’est d’ailleurs son président, François Braun, qui devra rendre les conclusions de la « mission flash » au chef de l’Etat d’ici à la fin de juin.
Un été sous tension
Un délai justifié afin de « regarder service d’urgence par service d’urgence et SAMU par SAMU, territoire par territoire où il y a des besoins », a expliqué M. Macron dans un entretien à la presse régionale vendredi 3 juin, promettant de « prendre des décisions d’urgence dès juillet ». Mais ses opposants y voient surtout un stratagème pour « repousser les décisions après les législatives » des 12 et 19 juin, alors que le système de santé est déjà « en situation de catastrophe », a dénoncé l’urgentiste Christophe Prudhomme, de la CGT-Santé, lundi sur RFI. « On s’attend à un mois de juillet particulièrement difficile et un mois d’août horrible » et « cette “mission flash”, c’est un peu une insulte pour nous », a même estimé Pierre Schwob Tellier, du collectif Inter-Urgences, lors d’une conférence de presse jeudi 2 juin.
La critique vise aussi le choix de M. Braun, chef des urgences du CHR de Metz et référent santé du candidat Macron lors de la récente campagne présidentielle. L’intéressé a assuré mercredi sur Franceinfo qu’il n’entendait pas produire « un énième rapport » mais bien « rédiger l’ordonnance » attendue par les hospitaliers, ajoutant avoir « déjà des pistes ». Certaines figurent dans un courrier envoyé à la ministre de la santé, Brigitte Bourguignon, le jour de sa nomination et publié sur le site Internet de SAMU-Urgences de France.
Elles sont parfois consensuelles, comme la revalorisation du travail de nuit et du week-end, « très pénible » mais majoré de seulement 1 euro de l’heure pour les infirmières, ce qui est « complètement aberrant », a-t-il souligné.
Des propositions clivantes
D’autres idées inquiètent, comme l’obligation d’appeler le 15 pour filtrer l’accès aux urgences, mise en œuvre à Cherbourg ou à Bordeaux. Un scénario « injouable » pour Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), qui prédit une explosion des appels à des SAMU « déjà débordés ». Avec un risque de perte de chance pour les patients.
L’option a toutefois des défenseurs dans la majorité, à l’instar du député La République en marche de Charente Thomas Mesnier, lui aussi urgentiste, qui a jugé nécessaire dans Le Journal du dimanche de « se remettre en mode gestion de crise pour passer le cap de l’été », quitte à « recentrer » ces services « sur leur vrai métier, les urgences vitales ». Désireux de « secouer les tabous », l’élu plaide même pour des « SMUR sans docteur », avec seulement des infirmiers dans l’ambulance pour pallier l’absence de praticiens par endroits, et suggère de transformer en « antennes de jour » les services d’urgence que « nous ne parvenons plus à maintenir ouverts » en permanence. Des propositions peu à même d’apaiser le « bouillonnement de mécontentements » observé par la secrétaire générale de la CGT-Santé, Mireille Stivala. Pour accroître la pression, M. Pelloux envisage d’ailleurs de « lancer un mouvement de grève aux urgences avant l’été ».