
Elle avait incarné l’afflux de représentants de la société civile et du secteur privé dans les cercles du pouvoir, au début du quinquennat d’Emmanuel Macron. En 2017, le nouveau chef de l’Etat avait désigné Audrey Bourolleau, lobbyiste en chef de la filière viticole française, comme conseillère « agriculture, pêche, forêt et développement rural » à son cabinet. Et c’est à elle, encore, que le candidat Macron a confié cette année la tête de son groupe de campagne consacré aux questions d’agriculture et d’alimentation, rôle qu’elle avait déjà rempli il y a cinq ans.
A l’époque, le « rétro-pantouflage » de Mme Bourolleau avait d’emblée suscité l’indignation au sein de la communauté de la santé publique, troublée par cette irruption, au cœur du pouvoir, du lobby de l’alcool, deuxième cause de mortalité prématurée évitable après le tabac, et responsable du décès de 41 000 personnes chaque année en France, selon Santé publique France.
Une quinzaine d’organisations, dont la Fédération française d’addictologie ou la Ligue nationale contre le cancer, avaient dit redouter les « conflits d’intérêts qui pourraient survenir au détriment de la santé publique ». Audrey Bourolleau avait beau avoir démissionné de Vin & Société, l’organisation de lobbying de la filière viticole dont elle était la déléguée générale depuis 2012, les associations signalaient que, selon la loi sur la transparence de la vie publique de 2013, « l’apparence du conflit suffit (…) à le caractériser ».
Un négociant invité à la visite d’Etat en Chine
Audrey Bourolleau est-elle allée au-delà des apparences pendant ses deux ans à l’Elysée ? Un extrait de sa correspondance électronique, obtenu par Le Monde par le biais d’une demande d’accès aux documents administratifs, semble montrer que oui. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), chargée d’examiner les déclarations d’intérêts des agents publics, a-t-elle recommandé des mesures de déport à la conseillère ? Cette information, couverte par le secret professionnel, n’est pas publique.
Loin de se déporter des sujets liés à l’alcool, la conseillère du président apparaît, dans une demi-douzaine de documents, comme une facilitatrice du lobby alcoolier à l’Elysée. A l’automne 2017, elle reçoit Antoine Leccia, le président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France, qui avait sollicité Emmanuel Macron par courrier. En janvier 2018, le négociant fera partie de la délégation présidentielle au cours de la première visite d’Etat en Chine.
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