Le temps des revues scientifiques n’est pas celui des médias. Alors que l’affaire dite des « bébés sans bras » a déserté les journaux et les plateaux de télévision, une équipe de scientifiques a publié, mardi 9 février dans la revue Birth Defects Research, une analyse, passée inaperçue, confortant la réalité d’un cluster d’agénésies transverses du membre supérieur (ATMS) dans une petite zone du département de l’Ain.
Ces travaux, conduits par la généticienne Elisabeth Gnansia, présidente du conseil scientifique du Registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera) et Jacques Estève, biostatisticien aux Hospices civils de Lyon, apportent de nouveaux éléments à la controverse qui perdure depuis plusieurs années entre les responsables du registre Remera et les autorités sanitaires. Ils suggèrent que dans un cercle de 16,24 km centré sur la commune de Dompierre-sur-Veyle, le nombre de naissances d’enfants souffrant d’atrophie d’un bras ou d’une main, entre 2009 et 2014, a été près de dix fois supérieur à la moyenne. Au lieu des 0,82 cas attendus en six ans, ce sont 8 enfants qui sont nés avec ce handicap dans la zone en question.
L’histoire est ancienne. A l’automne 2016, la directrice du Remera, Emmanuelle Amar – co-autrice de ces travaux –, alertait sa tutelle, l’agence Santé publique France (SPF), d’une accumulation suspecte de cas d’ATMS dans cette petite zone de l’Ain. Mme Amar soupçonnait que ce cluster de naissances d’enfants souffrant d’une atrophie d’un bras ou d’une main ne soit pas dû au hasard, mais la conséquence d’une exposition de leur mère à un toxique environnemental au cours de la grossesse. Au contraire, SPF considérait alors que le nombre de cas détectés dans la zone ne présentait pas un excès de cas par rapport au nombre de cas attendus pour une telle population.
Exclusions de certains cas
En septembre 2018, l’affaire connaissait un emballement médiatique inattendu. D’autres clusters de telles malformations, en Loire-Atlantique et dans le Morbihan, étaient mis en évidence par d’autres registres de surveillance des malformations congénitales. Le 4 octobre 2018, SPF rendait publics trois rapports : les deux premiers confirmaient la réalité d’un excès de cas en Loire-Atlantique et dans le Morbihan, mais le troisième affirmait que le cluster de l’Ain détecté par Mme Amar n’était pas démontré. L’analyse statistique conduite par l’agence ne mettait pas en évidence de cluster ; le nombre de cas survenus dans la zone n’était pas, selon SPF, anormal au regard de la moyenne de 1,7 cas d’ATMS attendus pour 100 000 naissances.
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