
Les trafics de passes sanitaires avaient disparu, les revoilà devant la justice. Une procédure de plaider coupable doit se tenir, mercredi 9 novembre, au tribunal correctionnel de Nanterre, dans une affaire de faux passes pour laquelle onze personnes, âgées de 17 à 37 ans au moment des faits, ont été mises en examen pour des délits informatiques, de l’escroquerie en bande organisée, du blanchiment en bande organisée, ou pour complicité ou recel de ces mêmes délits.
L’ordonnance de renvoi que Le Monde a pu consulter dénombre dix à onze mille faux passes fabriqués, et près de 400 000 euros de recettes inscrites dans un carnet de comptes.
L’affaire démarre début août 2021 par un renseignement anonyme, envoyé au département criminalité organisée de la Préfecture de police de Paris : des comptes Snapchat aux noms plus ou moins évocateurs – du type « docteur.house1390 » – diffuseraient des discours antivaccins et les tarifs pour se procurer un faux passe sanitaire (de 250 à 330 euros, les prix fluctuant en fonction des lieux soumis au passe sanitaire).
L’informateur évoque la complicité d’un médecin, mais l’enquête démontrera que les faussaires n’en avaient nullement besoin. Le mode opératoire est presque trop simple : après avoir été payé et avoir récupéré les noms et numéros de Sécurité sociale de ses clients, le faussaire pirate la base de données vaccinale. Une opération qui ne requiert aucune compétence particulière en informatique, puisqu’il suffit de se procurer le numéro RPPS (pour « répertoire partagé des professionnels de santé ») d’un médecin – numéro public et accessible depuis les sites Ameli ou Doctolib – et d’envoyer une demande d’autorisation d’ouverture de session au professionnel de santé concerné.
Si ce dernier valide la demande, alors le faussaire pourra ajouter autant de faux vaccinés que possible pendant ses quatre heures de session, avant déconnexion. Une fraude « facilitée par la négligence des professionnels de santé », lesquels validaient « trop hâtivement » les ouvertures de session, précise l’ordonnance de renvoi. Un « problème » qui ne sera résolu qu’au printemps 2022, « via l’ajout d’un code à usage unique (…) rendant impossibles des demandes d’authentification à l’aveugle », explique l’Agence du numérique en santé.
Les enquêteurs remontent aisément jusqu’aux clients et analysent leurs schémas vaccinaux. Des « incohérences » viennent confirmer les soupçons : deux doses enregistrées le même jour, des centaines de kilomètres entre le lieu d’exercice du médecin et celui du passe sanitaire, des vaccinations pendant les jours de repos des médecins…
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