
Une juge américaine a invalidé jeudi 16 décembre, le plan de faillite de Purdue, le laboratoire accusé d’avoir contribué à la crise des opiacés aux Etats-Unis, car il prévoyait une certaine immunité pour ses propriétaires, la famille Sackler, en échange du versement de 4,5 milliards de dollars.
Dans sa décision, Colleen McMahon estime que le juge des faillites qui a entériné l’accord en septembre n’avait pas l’autorité pour empêcher d’éventuelles futures poursuites au civil contre les membres de la famille. Purdue a dans la foulée annoncé, dans un communiqué, son intention de faire appel.
Le plan avait reçu le soutien d’une écrasante majorité des créanciers de la société ainsi que de plus de 40 Etats américains. Mais plusieurs parties avaient décidé de faire appel, dont un représentant du ministère de la justice et neuf Etats. L’accord, arguaient-elles, ne permettait pas aux victimes de se faire entendre et d’éventuellement porter plainte contre les Sackler.
Le ministre américain de la justice, Merrick Garland, s’est félicité de la décision rendue jeudi, estimant dans un communiqué que le tribunal des faillites « n’avait pas le droit de priver les victimes de la crise des opiacés du droit de poursuivre la famille Sackler ».
« C’est une immense victoire pour la justice et l’obligation de rendre des comptes, qui rouvrira la faillite profondément entachée de Purdue et forcera la famille Sackler à affronter la douleur et la dévastation qu’elle a causées », a aussi réagi le procureur de l’Etat du Connecticut, William Tong, qui avait fait appel.
Plus de 500 000 morts en vingt ans
La promotion agressive du médicament anti-douleur OxyContin par Purdue, poussée par la famille Sackler qui le savait pourtant très addictif, est considérée par beaucoup comme le déclencheur de la crise des opiacés, à l’origine de plus de 500 000 morts par overdose en vingt ans aux Etats-Unis.
Purdue, les Sackler et l’OxyContin sont devenus les symboles des excès d’une industrie pharmaceutique prête à tout pour engranger des profits. Le laboratoire Purdue s’était déclaré en cessation de paiement en septembre 2019, proposant un plan de faillite pour solder l’avalanche de litiges à son encontre et acceptant de plaider coupable.
Dans sa décision, la juge McMahon reconnaît que l’invalidation de l’immunité accordée aux Sackler, « conduira presque certainement à l’annulation d’un plan soigneusement élaboré » qui contient des éléments positifs, comme le financement de programmes de lutte contre la dépendance aux opiacés.
Le président du conseil d’administration de Purdue, Steve Miller, a de fait relevé que cette décision « va retarder, et peut-être mettre fin à la capacité des créanciers, des communautés et des individus à recevoir des milliards de dollars pour atténuer la crise des opiacés ». Mais « puisque le code des faillites ne confère pas une telle autorité, la décision confirmant le plan doit être abandonnée », a souligné la juge.
Le plan prévoyait notamment que l’entreprise ferme ses portes d’ici 2024 au profit d’une nouvelle entité gérée par un trust. Outre la vente d’OxyContin à des fins « légitimes », elle devait fournir, gratuitement ou à prix coûtant, des médicaments anti-overdose et des traitements contre la dépendance aux opiacés. Les membres de la famille Sackler s’étaient engagés à verser 4,32 milliards de dollars en plus des 225 millions déjà payés au ministère de la Justice.