L’hôtelier victime d’une inondation peut, sans problème, invoquer la « force majeure » pour ne pas accueillir son client et se contenter de le rembourser sans lui verser de dommages et intérêts, car le contrat qui les liait est considéré comme « anéanti ». Le client, victime en chemin d’une tempête, ou d’une maladie soudaine, peut-il lui aussi invoquer la force majeure, pour obtenir l’anéantissement du même contrat et la restitution des sommes versées ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.
En juin 2017, les X réservent un studio, auprès de la Chaîne thermale du soleil, et paient l’intégralité de la facture. Quelques jours après leur arrivée, M. X se met à souffrir de rétention urinaire ; il doit être hospitalisé en urgence et son épouse l’accompagne.
Plus tard, les X demandent le remboursement des deux semaines de séjour dont ils n’ont pas pu profiter, en invoquant une situation de force majeure. La Chaîne thermale le leur refuse, au motif qu’elle n’a pu relouer leur studio ; comme elle s’oppose à l’intervention du médiateur du thermalisme, les X l’assignent. Le 27 mai 2019, le tribunal d’instance de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) la condamne à les indemniser, en considérant que l’hospitalisation de M. X était constitutive d’un « événement imprévisible ».
Lecture « étriquée »
La Chaîne thermale du soleil se pourvoit en cassation. Son avocat, Me Patrice Spinosi, soutient que le tribunal a violé l’article 1218 du code civil, aux termes duquel « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur (…) empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
Il explique que ce texte ne concerne que le « débiteur d’une obligation » (l’hôtelier qui doit accueillir son client ou le client qui doit payer l’hôtelier), et non le « créancier d’une prestation » (le client qui a payé mais qui ne peut profiter de son droit). Prévoir que ce dernier pourrait se faire rembourser reviendrait à donner à l’article 1218 un sens qu’il n’a pas.
L’avocat des X, Me Jérôme Rousseau, réplique que cette lecture « littérale » de l’article 1218 est « étriquée » ; il estime que le client, « cocontractant », doit pouvoir, lui aussi, invoquer la force majeure. Il rappelle que la Cour de cassation l’a déjà jugé, de manière « implicite » : le 10 février 1998 (n° 93-13.316), elle a rejeté le pourvoi d’une école qui réclamait le paiement de frais de scolarité à une élève ayant conclu un contrat de formation de coiffeuse et n’ayant pas pu suivre celle-ci, pour cause de maladie.
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