
En douze ans d’exercice, c’est la deuxième fois que Caroline Le Petit, médecin généraliste dans une petite commune d’Ille-et-Vilaine, a fait part de ses soupçons sur des violences sexuelles familiales en transmettant une « information préoccupante » – la procédure pour alerter le conseil départemental d’un danger ou risque de danger encouru par un mineur. Début avril, « une maman d’une petite fille de 9 ans que je suis, qui a des troubles du comportement, m’a appelée, paniquée, après l’avoir surprise dans la douche en train de faire des gestes qu’elle a jugés inappropriés au niveau de son sexe », décrit la médecin. Après un bref échange avec sa fille, qui accuse des adultes de son entourage d’agressions à caractère sexuel, la mère contacte la docteure Le Petit.
« Il y avait des signaux d’alerte, je me suis donc adressée à la Cased [cellule d’accueil spécialisé de l’enfance en danger, au centre hospitalier et universitaire de Rennes], pour savoir comment faire une information préoccupante par e-mail, afin que la petite soit reçue rapidement à l’hôpital », explique-t-elle. L’échange téléphonique entre la médecin et la mère a lieu le vendredi matin. Dès le lundi suivant, l’enfant est reçue par l’équipe de cette unité spécialisée dans le repérage des maltraitances. Un soulagement pour la docteure Le Petit : « J’avais besoin qu’un regard pluridisciplinaire soit posé sur la situation afin de savoir si, oui ou non, il y avait eu violences sexuelles. J’ai prévenu la mère que je faisais une information préoccupante, ce qui n’est jamais agréable, évidemment. »
Confronté à des signes de maltraitance, sexuelle ou non, sur un mineur, tout professionnel de santé est tenu de garantir sa protection en écrivant à la cellule de recueil des informations préoccupantes du département, ou en faisant un signalement au procureur de la République en cas de danger immédiat. Toutefois, le code de déontologie médicale conditionne cette obligation d’alerter pour le médecin : elle intervient « sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience ». Un flou qui participe au faible nombre de remontées émanant du corps médical, selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), chargée d’un état des lieux et de recommandations en la matière et dont la prochaine réunion publique est prévue lundi 16 mai à Paris.
« Maillon faible »
Dans son rapport intermédiaire, rendu public le 31 mars, la Ciivise se prononce ainsi pour une clarification de l’obligation de signalement des médecins. L’instance assortit cette recommandation de celle de la suspension des poursuites disciplinaires à l’encontre des médecins qui effectuent des signalements, afin de les protéger d’éventuelles plaintes émanant de l’adulte agresseur.
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