Les consommateurs parisiens de crack et autres drogues pourront-ils bientôt se faire soigner à Auteuil ? Dans ce quartier calme et huppé du 16e arrondissement, un centre d’hébergement médicalisé destiné aux toxicomanes est en principe sur le point d’être aménagé dans une aile désaffectée de l’hôpital Chardon-Lagache. Le projet « a fait l’objet d’un avis unanimement favorable », indique l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France. Il a donc « vocation à être retenu ». Une « très bonne nouvelle », selon Anne Souyris, l’adjointe écologiste à la santé d’Anne Hidalgo, ravie que les arrondissements bourgeois de l’Ouest parisien, ancrés à droite, participent à la « solidarité territoriale ». Mais Francis Szpiner, maire Les Républicains (LR) de l’arrondissement et candidat aux législatives, espère bien, lui, faire dérailler le projet. Il vient de lancer une pétition en ce sens. Vendredi 27 mai, un peu moins de 5 000 personnes l’avaient signée.
Une affaire emblématique des résistances auxquelles se heurtent les projets destinés aux exclus en tous genres, en particulier à Paris. Ces derniers mois l’ont montré avec force. Les salles envisagées pour accueillir les accros au crack, cette « drogue du pauvre » particulièrement addictive ? La mairie de Paris avait prévu quatre implantations. Mais, dès que la première adresse a été dévoilée, dans le quartier de Pelleport (20e arrondissement), le tollé a été si puissant que le dossier a été abandonné, et les trois autres avec. Le transfert du campement de toxicomanes de la porte de la Villette vers une friche ferroviaire du 12e ? Deux jours et demi après l’avoir annoncé, le préfet de police Didier Lallement a dû y renoncer devant l’opposition virulente de gauche comme de droite.
Le centre d’accueil des sans-abri prévu par l’Armée du salut en bas d’un immeuble de Saint-Fargeau (20e) ne paraît guère mieux parti. Face au refus catégorique des copropriétaires, qui n’avaient pas été consultés, l’organisation protestante a mis son projet en attente, quitte à verser 25 000 euros par mois de loyer pour un local inutilisé… Les travaux prévus pour janvier n’ont toujours pas débuté. « On nous traite de “fachos” parce que nous sommes hostiles à ce projet, mais ce n’est pas le cas, commente Jean-Félix Vallat, le porte-parole d’un collectif qui réunit environ 40 copropriétaires sur 85. Simplement, on ne peut pas faire cohabiter n’importe comment des personnes âgées, des couples avec enfants, et une population marginale qui pose des problèmes de sécurité. Et puis, il faut respecter le droit : on ne peut changer la destination d’un immeuble qu’avec l’accord unanime des copropriétaires. »
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