Dockers père et fils, oncle et neveu, agent d’équipement sportif à la Ville de Nantes, poseur de revêtements, petit escroc dans la revente de montres et voitures, restaurateur ruiné, vendeur de cigarettes et loueur de chichas au noir en Guadeloupe, gérant de société dans la vente de pièces détachées en Martinique, sans-emploi au RSA… Au total, onze hommes, âgés de 35 à 56 ans, doivent être jugés pendant cinq jours à Rennes, à partir de ce lundi 18 octobre. L’un d’eux, en cavale, fait l’objet d’un mandat d’arrêt depuis mars 2020.
L’instruction ouverte à la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes a en effet conduit aux mises en examen puis aux renvois devant le tribunal de « quatre dockers, cinq intermédiaires, au contact des dockers et des trafiquants – la filière d’écoulement étant située en grande partie en région parisienne, et deux expéditeurs de la cocaïne depuis les Antilles », indique Philippe Astruc, procureur de la République de Rennes.
Deux ans plus tôt, le 14 octobre 2019 à 7 h 30, quelque part sur le quatrième port de France, à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), au terminal de Montoir-de-Bretagne, deux dockers, alors âgés de 33 et 39 ans, discutent dans un Peugeot Partner. Depuis des semaines, ils prennent mille précautions pour échanger en toute discrétion. Ils l’ignorent, mais la voiture est sonorisée et toute la brigade des stupéfiants de la police judiciaire de Nantes est sur le pont.
La brigade de recherche et d’intervention (BRI) est là aussi, mais en retrait. Aucun des nombreux policiers mobilisés n’a franchi les grilles ceinturant la zone portuaire, qui s’étend sur 1 460 hectares. « Impossible », explique un proche du dossier, deux ans après. « Le port, c’est pire qu’une cité. Si un policier y met un pied, tout le monde le sait direct. C’est un monde ultrafermé. »
Route des Antilles
Après des mois de planques, des centaines d’heures d’écoutes et de nombreuses nuits sans sommeil, les enquêteurs les attendent de pied ferme, eux et le « conteneur ». Sur le papier, il contient des machines-outils, un vieux groupe électrogène et des bobines de cuivre. Mais ils le savent : la « boîte » est aussi chargée en cocaïne.
Deux informations les ont conduits à passer quarante-huit heures à Saint-Nazaire sans bouger un cil. D’abord, l’un des deux hommes en pleine discussion dans le Partner a contacté sa « deuxième femme » deux jours plus tôt. Au bout du fil, elle l’a trouvé « bizarre ». « Si lundi soir t’as pas de nouvelles de moi, bah t’es pas prête de me revoir… », lui a-t-il dit, sans plus d’explication.
Il vous reste 57.56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.