
Elle n’avait plus que l’épreuve d’allemand à passer pour avoir son bac. Marie (le prénom a été changé à sa demande), 18 ans, se projetait déjà dans sa première année de médecine. Ces derniers temps, elle avait un peu maigri, fait quelques malaises. Elle mettait cela sur le compte du stress des révisions. Et puis il y a eu l’événement « Bordeaux fête le fleuve » : « Il y avait beaucoup de monde, et à un moment, j’ai dit à mes parents : je ne peux pas regarder les bateaux, sinon, je vais tomber… » Ce problème d’équilibre l’amène à consulter. Diagnostic : cancer du cervelet.
Raconter l’expérience des jeunes atteints de cancer, tel est l’objet du livre Le Cancer chez les adolescents et les jeunes adultes (Doin, 176 pages, 28 euros), sorti le 3 juin. Son auteur, le sociologue Thibaud Pombet, a mené pendant cinq ans une enquête auprès de jeunes de 15 à 25 ans atteints de cancer. Une maladie cataclysmique, qui vient bouleverser tous les champs de leur vie en pleine construction. Cette situation amène des questionnements lourds, en contraste avec la forme d’insouciance qui teinte, la plupart du temps, cette période de l’existence.
Chaque année en France, environ 1 700 adolescents et jeunes adultes développent un cancer, « avec une prééminence de lymphomes ou sarcomes », précise la docteure Stéphanie Proust, pédiatre oncologue et coordinatrice de l’équipe Adolescents et jeunes adultes des hôpitaux de Nantes et d’Angers – des structures qui se sont développées partout en France depuis dix ans. Si le nombre de cas est stable, il masque une sombre réalité : en comparaison des autres tranches d’âge (enfants ou adultes plus âgés), le taux de survie de ces jeunes progresse peu. Les raisons invoquées sont liées à cet âge « d’entre-deux » : types de tumeurs, parcours de soins inadaptés, inadéquation aux référentiels, moindre inclusion de cette population dans les essais cliniques, difficulté plus grande à suivre les soins, retard du diagnostic… « Ces patients semblent habiter un no man’s land médical, entre médecine pédiatrique et médecine d’adulte », indique le réseau régional de cancérologie en Ile-de-France, dans un rapport de décembre 2019.
Une scolarité contrariée
Le cancer oblige notamment ces jeunes à se poser précocement la question du désir d’enfant. La lourdeur des traitements pouvant entamer la fertilité, il leur est proposé de faire conserver leurs ovocytes ou spermatozoïdes, en vue d’une parentalité future. « La question est posée dès l’annonce du diagnostic », confirme Stéphanie Proust. Pour Marie, c’est un deuxième coup de massue. « On ne pense pas enfant à 18 ans… Et pour moi qui n’avais jamais été voir un gynéco jusque-là, ça a été un peu raide. » Flavio Alves Aleixo, alors en quatrième année d’école d’ingénieurs, a 22 ans lorsqu’on lui diagnostique un cancer du testicule. « L’infertilité fait peur. Cela a renforcé mon envie d’avoir des enfants. »
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