Le 2 août, la nouvelle loi relative à la bioéthique était promulguée. Son article 30 est consacré aux « enfants présentant une variation du développement génital » (VDG). « C’est le premier texte de loi en France à s’y référer », relève l’enseignant-chercheur en droit Benjamin Moron-Puech, dans un contexte où l’encadrement des interventions précoces pour mettre fin à leur indétermination sexuelle, par la chirurgie ou les hormones, est de plus en plus débattu.
En premier lieu, l’article conditionne la prise en charge de ces enfants par des centres de référence maladies rares (CRMR), créés suite au premier Plan national maladies rares de 2005. Jusqu’alors, il n’y avait pas d’obligation de suivi dans ces centres. Le texte précise que le diagnostic et le choix thérapeutique se feront lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) nationale, composée d’experts. « Les RCP existaient auparavant, mais les médecins des CRMR n’y présentaient que certains dossiers pour lesquels ils n’arrivaient pas à statuer en interne, détaille la docteure Claire Bouvattier, endocrinologue pédiatre au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). Désormais, plus aucun médecin ne gérera seul son patient. »
L’article rappelle la notion d’« abstention thérapeutique » comme une possible proposition de soin en vertu du « principe de proportionnalité ». Autrement dit, en amont de leurs décisions, les membres des RCP doivent se demander s’il y a plus de bénéfices – et de preuves à ce bénéfice – à intervenir sur l’enfant qu’à ne pas le faire. Le texte insiste sur la recherche du consentement du mineur « s’il est apte à exprimer sa volonté », la nécessité d’un « accompagnement psychosocial » de la famille et de l’informer de l’existence d’associations spécialisées dans les VDG. Enfin, l’article porte de trois jours à trois mois le délai pour déclarer le sexe à l’état civil après la naissance.
Le Collectif intersexes et allié.es (CIA) dénonce, par la voix de l’une de ses membres, une loi « molle qui ne rompt pas avec l’approche pathologisante de l’intersexuation et qui institutionnalise la prise en charge par les CRMR, alors même que c’est dans ces centres qu’on établit les protocoles de prise en charge et dans lesquels ont lieu les pratiques que nous dénonçons ». Le collectif réclamait une « interdiction des pratiques non consenties ».
Dans un rapport daté de janvier 2019, Jean-Louis Touraine, député LREM et l’un des rapporteurs de la loi bioéthique, formulait des propositions restrictives à ce sujet, notamment la création d’une « disposition législative (…) qui affirmerait que les actes médicaux d’assignation sexuée – n’incluant donc pas les interventions médicales réalisées lorsque le pronostic vital est engagé – réalisés sur des mineurs ne répondent pas à une nécessité médicale ». Les députés de la majorité avaient d’ailleurs préparé des amendements conditionnant, par exemple, une intervention sans le consentement de l’enfant à une « nécessité vitale immédiate ». Ils ont finalement été retirés en amont de la première lecture de la proposition de loi relative à la bioéthique, en octobre 2019. « Nous avons senti que cela ne passerait pas, assure Jean-Louis Touraine. Malheureusement, la France est freinée dans ses évolutions par des élites ou des responsables conservateurs et rétifs à des avancées trop substantielles. » De son côté, Benjamin Moron-Puech estime qu’interdire certaines pratiques, « c’était, de fait, reconnaître leur illégalité par le passé ».
Il vous reste 52.85% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.