Les mots « crise » et « université » forment un couple soudé depuis des décennies, dont l’alliage n’a pu être entamé par les innombrables tribunes publiées par une communauté forte en plume.
Cependant, aussi endurante soit-elle, l’université – comme notamment l’hôpital et la justice – n’en est pas moins soumise au risque de burn-out dont on ne sait jamais vraiment quand et comment il se produira. Pour la faculté de droit et sciences politiques de Nantes (Loire-Atlantique), c’est aujourd’hui.
La rupture s’est matérialisée par une alerte pour danger grave et imminent concernant la santé du personnel, adressée le 3 décembre 2021 au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Nantes-Université. Le dangereux épuisement des personnels de la faculté a été mis au jour dans un rapport qui a permis d’identifier les causes et conséquences d’un modèle de service public universitaire « low cost », maltraitant pour ses usagers et ses agents, tant enseignants-chercheurs que personnels administratifs et techniques.
Raréfaction des moyens
Cette souffrance au travail prend sa source dans un sous-encadrement criant et aggravé ces dernières années par une raréfaction continue des moyens, malgré l’assignation de missions toujours plus chronophages. Alors que le taux d’encadrement pour 100 étudiants (comprenant enseignants-chercheurs et agents administratifs et techniques titulaires) est évalué en 2021 à 8,2 pour l’ensemble des universités françaises et à 6 pour les universités de droit-économie-gestion, ce qui est déjà notoirement insuffisant, il s’établit pour la faculté de droit de Nantes à 3,2.
Ce seul chiffre devrait à lui seul alarmer l’ensemble des autorités de tutelle, mais il n’en est rien. Bien au contraire, celles-ci s’ingénient à assigner à ses quelques agents toujours plus de nouvelles tâches.
Alors même qu’ils sont pour la plupart déjà contraints de multiplier les heures complémentaires pour pallier le manque de personnel, des charges supplémentaires émergent chaque année : des plus bienveillantes telles que mettre en place des conseils de perfectionnement ou des entretiens individuels tout en « développant une approche par compétence », aux plus incongrues comme introduire de la sélection tout en devant accueillir, sous le contrôle scrupuleux du rectorat, le plus grand nombre.
S’il a bien fallu renoncer à ce que les 80 enseignants de la faculté suivent individuellement plusieurs milliers d’étudiants, il n’a pas été possible en revanche de se soustraire aux injonctions de la sélection, de sorte qu’il a fallu traiter 7 000 candidatures pour Parcoursup et plus de 15 000 pour l’intégration en master. Chacun pourra faire le calcul du nombre d’heures nécessaire au traitement de 22 000 dossiers, même de manière expéditive.
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