Epidémiologiste, Mathilde Pascal est chargée de projet « changement climatique et santé » à Santé publique France.
De quelles données dispose-t-on concernant l’impact des pics de chaleur en matière de mortalité ?
Longtemps, ces risques ont été peu étudiés. Les études ont commencé à partir du moment où il y a eu des canicules meurtrières et marquantes, d’abord aux Etats-Unis et notamment à Chicago, en 1995, puis plus largement à partir de 2003. A partir de cette canicule historique, responsable de 70 000 décès en Europe, il y a eu de nombreux travaux partout dans le monde sur les liens entre température et mortalité, avec d’énormes progrès en matière de méthodes.
Le risque de décès lié aux élévations de température n’est pas facile à modéliser mais on sait qu’il n’augmente pas de façon linéaire. Pour des températures non extrêmes, et de survenue fréquente, le surrisque de décès est peu élevé, même si au total ce n’est pas négligeable.
Pour des températures exceptionnelles telles que nous sommes en train de les vivre, le risque de décès croît fortement, essentiellement dans les trois jours suivant le pic. A ce niveau, un degré supplémentaire peut faire une différence de risque importante.
Bien sûr, certaines populations sont particulièrement vulnérables : celles dont la thermorégulation est moins efficace du fait de leur âge (jeunes enfants, personnes âgées), d’une pathologie chronique ou de la prise de certains médicaments. Il y a aussi les individus exposés professionnellement ou les sans-abri. Mais, à un certain niveau de température, on peut considérer que la population vulnérable, c’est tout le monde.
L’effet le plus spécifique des fortes chaleurs sur l’organisme, c’est l’hyperthermie par défaillance du système de thermorégulation, qui est une urgence vitale. Mais ce n’est pas le seul. La littérature scientifique montre bien qu’il y a aussi une augmentation des problèmes respiratoires, cardiaques, rénaux… En fait, les décès liés à la chaleur peuvent être de différentes natures. Plus récemment, on a commencé à étudier les conséquences chez les travailleurs, et en matière de santé mentale. Un point préoccupant est le peu d’études concernant les effets des canicules sur les grossesses, notamment à leur début et leur fin. Il est acquis que les pics de chaleur favorisent la prématurité et le faible poids à la naissance, mais il y a encore peu de données chez les femmes enceintes.
Les mesures de prévention mises en place après la canicule de 2003 permettent-elles de réduire la mortalité de ces épisodes ?
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