
Le déclin rapide de la fertilité humaine est, à lui seul, l’indice des liens étroits entre la santé des populations et la qualité de leur environnement au sens large. Des chercheurs britanniques et danois le mettent à nouveau en évidence dans une étude publiée jeudi 9 juin par la revue Environment International. Conduits par Andreas Kortenkamp (université Brunel de Londres) et Hanne Frederiksen (Rigshospitalet, université de Copenhague), les auteurs présentent la première évaluation des risques, vis-à-vis de la fertilité masculine, des mélanges de polluants du quotidien.
Ils sont ainsi parvenus à hiérarchiser, parmi les substances les plus suspectées de nuire à la qualité du sperme humain, les plus déterminantes dans le déclin actuel. Les plastiques tiennent, de loin, le haut du pavé. Le bisphénol A (BPA) et ses succédanés (BPS, BPF) sont les substances qui pèsent le plus. Elles sont suivies des dioxines polychlorées et d’autres plastifiants (les phtalates), certains parabènes et le paracétamol. Selon les estimations des chercheurs, le niveau médian d’exposition combiné de la population générale à ces produits est environ vingt fois supérieur au seuil de risque.
La chute de la fertilité masculine est un phénomène identifié depuis une trentaine d’années. Une variété de facteurs – alimentation, tabagisme, stress, exposition à certains produits chimiques courants, etc. – sont suspectés d’être en cause. « Depuis trente ans, de très nombreuses études ont été faites à travers le monde pour mesurer les caractéristiques du sperme humain, explique Pierre Jouannet, professeur émérite à l’université Paris-Descartes, l’un des grands pionniers de ce domaine de recherche. Les plus sérieuses d’entre elles montrent un déclin de la qualité du sperme surtout dans les pays les plus économiquement développés. »
Une chute de 50 % à 60 % en moins de quarante ans
Les chiffres sont frappants. La synthèse la plus exhaustive publiée à ce jour remonte à 2017. Conduite par l’équipe de Shanna Swan (université de New York) et publiée dans la revue Human Reproduction Update, elle indique que la concentration moyenne de spermatozoïdes de l’homme occidental est passée de 99 millions à 47 millions de spermatozoïdes par millilitre entre 1973 et 2011. Soit une chute de 50 % à 60 % en moins de quarante ans.
D’autres données, plus récentes, indiquent que le problème est loin d’appartenir au passé. En 2019, l’équipe d’Ashley Tiegs (Thomas Jefferson University, à Philadelphie) a publié dans Urology une étude sur 120 000 hommes américains et espagnols de couples ayant consulté un centre d’aide à la procréation. Parmi cet échantillon, la proportion d’hommes ayant moins de 15 millions de spermatozoïdes mobiles par millilitre est passée de 12,4 % à 21,3 % entre 2002 et 2017. Soit une hausse de près de 10 points de pourcentage, en quinze ans, au sein de ce sous-groupe de population.
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