
C’est un premier effet de la tempête déclenchée par le livre-enquête sur le système Orpea : le conseil d’administration du groupe de maisons de retraite français, l’un des géants mondiaux du secteur, a démis de ses fonctions, dimanche 30 janvier, son directeur général depuis une décennie, Yves Le Masne. Il sera remplacé par Philippe Charrier, qui présidait de façon non exécutive le conseil d’administration depuis 2017.
Orpea, qui possède près de 1 200 établissements et une capacité d’accueil de 116 000 lits dans 23 pays, se trouve dans la tourmente depuis la publication, mercredi 26 janvier, de l’ouvrage du journaliste Victor Castanet, Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros). Dans cet ouvrage, dont les bonnes feuilles ont été publiées dans Le Monde, mercredi, le journaliste documente minutieusement le système mis en place au sein d’Orpea pour maximiser à tout prix la rentabilité, au détriment tant des pensionnaires que des salariés.
Rationnement des fournitures médicales et de la nourriture dans des établissements aux tarifs pourtant très élevés ; non-remplacement de personnels soignants, pourtant déjà embauchés au compte-gouttes ; objectifs financiers imposés à des directions contrôlées de très près par le siège ; redevances et rétrocessions de marges exigées des sous-traitants et prestataires externes… Selon l’enquête, c’est toute une stratégie complexe, destinée à réduire les coûts et à capter un maximum de financement public, qui a été mise en place depuis des décennies au sein d’Orpea, avec l’objectif de maximiser les bénéfices du groupe et les dividendes de ses actionnaires. Une politique menée au détriment du bien-être des pensionnaires, considérés avant tout comme des sources de profits.
La dépendance n’est « pas un business comme les autres »
Les révélations du livre de M. Castanet, issues de trois ans d’enquête et précisément documentées, sont accablantes pour Orpea. Elles ont déclenché une véritable onde de choc. Le titre du groupe a perdu près de 50 % de sa valeur en Bourse en quelques jours. Les autorités françaises ont diligenté une enquête de l’agence régionale de santé dans l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), où ont eu lieu certaines des dérives décrites dans le livre, et convoqué la direction du groupe, mardi 1er février, pour faire la lumière sur sa gestion. En Belgique également, des inspections ont été lancées dans les établissements d’Orpea.
« Les révélations faites dans ce livre sont absolument révoltantes (…). Si ces faits sont avérés, ils devront évidemment être sanctionnés avec la plus grande sévérité », a prévenu Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, mercredi. Le président de la Fédération hospitalière de France, Frédéric Valletoux, appelle à « sérieusement encadrer » les groupes privés du secteur, rappelant que la dépendance n’est « pas un business comme les autres ». Les députés socialistes ont annoncé vouloir lancer une commission d’enquête. La candidate LR à la présidentielle, Valérie Pécresse, appelle à « radicalement changer le modèle des Ehpad ».
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