
Le protoxyde d’azote est prisé pour ses effets brefs et envoûtants. Euphorie, état de flottement, fous rires… De quoi justifier son surnom de « gaz hilarant ». Utilisé à la base en médecine pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques, ainsi qu’en cuisine dans la fabrication de siphons culinaires, le produit a désormais la cote chez les jeunes pour son usage détourné. Il est transféré dans un ballon, puis inhalé.
Mais cette popularité fait des victimes. Dans un communiqué du 23 juin, l’Association française des centres d’addictovigilance sonne l’alarme : elle recense près de 500 signalements liés au protoxyde d’azote en 2021, soit deux fois plus qu’en 2020 et dix fois plus qu’en 2019. Ceux-ci concernent des personnes de 22 ans en moyenne. « On observe de plus en plus de cas sévères et des complications qu’on n’avait pas auparavant », s’inquiète Joëlle Micallef, professeure de pharmacologie, présidente du réseau, qui dirige aussi le centre d’addictovigilance de PACA-Corse. Une évolution d’autant plus préoccupante que seulement une partie des cas est rapportée.
Quatre cas sévères sur cinq sont de nature neurologique, le gaz hilarant pouvant être toxique pour le système nerveux central ou périphérique. Les conséquences sont alors variées : troubles de la sensibilité et de la marche, douleurs chroniques ou encore incontinence. « On a un certain nombre de jeunes et de moins jeunes qui, une fois sortis de l’hôpital, doivent aller en centre de rééducation fonctionnelle », affirme la pharmacologue.
Risque de phlébites
Ces complications surviennent lors de perturbations du métabolisme de la vitamine B12. Cette dernière sert notamment à la fabrication de la gaine de myéline, qui enveloppe les nerfs. Le protoxyde d’azote rend la vitamine non fonctionnelle, ce qui nuit à la transmission des influx nerveux.
D’autres complications graves, cette fois cardiovasculaires, ont été observées en 2021. Les troubles de la vitamine B12 provoquent aussi une augmentation de la concentration d’homocystéine, un acide aminé présent dans le plasma sanguin. Un taux d’homocystéine trop élevé favorise la formation de caillots dans les veines. Surviennent alors des phlébites, voire des embolies pulmonaires. Un risque méconnu de beaucoup de médecins, soutient Joëlle Micallef. La professeure insiste sur l’importance d’identifier les cas où les caillots sont liés à l’inhalation de gaz hilarant. « Autrement, la personne peut être soignée pour sa phlébite, mais en faire une nouvelle le mois suivant, parce qu’elle continue à consommer. »
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