« Quel beau métier vous faites ! », « Ça ne doit pas être drôle tous les jours ! », « Vous devez voir des situations difficiles ! »… Autant de phrases qui marquent les projections que les gens ont de notre métier et des interventions des « services sociaux », comme on les appelle… On peut cependant regretter qu’on n’entende parler de ces mêmes « services sociaux » que lorsque, face à une situation d’aggravation du danger (coups et blessures, viol, inceste, voire décès), on est questionné sur le « mais que font-ils ? »
Voyons les choses en face : qu’est-ce qui peut pousser à travailler dans le secteur social et plus particulièrement dans la protection de l’enfance ? Ce n’est certainement pas l’attrait du salaire ! Ni la valorisation sociétale, puisque, au-delà de la mécompréhension de nos missions, c’est bien souvent un pointage qui est réalisé quand, pour des raisons de dégradation des conditions de vie de mineurs, le sujet est amené sur la sphère médiatique.
Non, ce qui nous rassemble, c’est une volonté quelque peu naïve et utopique d’aider les mineurs dont la mise en danger est avérée (conflits parentaux, précarité, difficultés d’hygiène, de soin, déscolarisation, violences intrafamiliales, physiques, sexuelles, psychologiques, etc.). Le panel des mises en danger est varié, diversifié, nous ne manquerons jamais de nous étonner de la « créativité » des situations que les mineurs sont amenés à vivre.
Un manque important de moyens
La base ? Etre là pour l’enfant, essuyer les oppositions et résistances familiales face aux mesures contraintes, assister à des situations parfois navrantes, souvent attristantes. Nos missions ? Faire diminuer le danger par tous les moyens à notre disposition. Nos outils ? Nos compétences professionnelles, nos connaissances des dispositifs, le travail pluridisciplinaire et partenarial, et surtout notre désir et notre motivation.
C’est de façon extrêmement regrettable sur ce dernier point que le contexte actuel de manque de moyens et de saturation des dispositifs de prise en charge commence à avoir un impact prégnant, amenant épuisement, démobilisation, voire désillusion. L’envers du décor ? A titre d’exemple : quand un magistrat est amené, sur préconisation de nos services, à diligenter une ordonnance de placement provisoire (OPP), le mineur est confié à la responsabilité de l’aide sociale à l’enfance.
Il est terrible de constater que, les foyers et familles d’accueil étant saturés, bien des placements ne peuvent être assurés. Les mineurs, sous le coup de l’OPP irréalisée, rentrent à leur domicile, lieu de mise en danger, dans l’attente d’une place. Et notre service, pourtant porteur de la demande de placement, reste mandaté à se rendre à ce même domicile, qui de fait leur est d’autant plus hostile.
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