Ce dimanche d’avril, Delphine (son prénom a été modifié), interne en chirurgie digestive dans une ville du nord-ouest de la France, avait effectué une garde de 24 heures. Elle avait ensuite enchaîné sur la journée du lundi. A 17 heures, éreintée, elle avait pris la voiture pour rentrer chez elle. En arrivant, elle s’est rendu compte que deux motards la suivaient. C’était la police. « Vous savez pourquoi on vous arrête ? – Non. – Vous avez franchi une ligne blanche sur la route. » Pour toute réponse, Delphine a fondu en larmes. « Il faut dormir Madame », ont réagi les policiers. « Reprenez vos papiers et allez-vous coucher. » « J’étais à bout », se souvient Delphine.
Le temps de travail est au cœur des revendications de l’Intersyndicale nationale des internes en médecine (ISNI), qui appelle à la grève illimitée à partir de vendredi 18 juin et à une journée de manifestation samedi, avec un mot d’ordre : « Protège ton interne. » Ces jeunes médecins, qui sont un peu plus de 30 000 en France à effectuer leur internat pendant au moins trois ans dans différents services des hôpitaux au terme d’un concours qu’ils passent à la fin de la sixième année d’études, sont confrontés à une surcharge de travail structurelle.
Le Conseil d’Etat saisi
Malgré un décret de 2015 fixant à 48 heures leur limite de travail hebdomadaire, les internes travaillent en moyenne 58,4 heures par semaine, selon une enquête de l’ISNI réalisée en 2020. Si certaines spécialités sont relativement épargnées, d’autres, comme la chirurgie, dépassent les 70 heures hebdomadaires. « Nous ne revendiquons aucun droit nouveau, nous demandons simplement que la loi soit respectée », insiste Gaëtan Casanova, président de l’ISNI. Les internes exigent le décompte horaire de leur travail.
En novembre 2020, le sujet était déjà sur la table. L’ISNI avait alors saisi le Conseil d’Etat pour demander l’abrogation des dispositions du Code de santé publique relatives au temps de travail des internes. Le texte prévoit qu’il soit décompté en demi-journées, et non pas en heures. « Or une demi-journée n’est ni définie, ni bornée par le texte », dénonce Gaëtan Casanova. « A cause de l’absence de décompte précis, nous sommes incapables de donner une estimation du temps de travail », renchérit Alexandre Brudon, vice-président du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP).
Fin avril, le Conseil d’Etat a mis en demeure le ministre de la santé, Olivier Véran, et le premier ministre, Jean Castex, de produire leurs observations. Sans réponse à ce jour, déplore l’ISNI, qui compte sur la décision du Conseil d’Etat pour forcer le gouvernement à agir.
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