En matière de lutte contre la pollution de l’air, les citoyens peuvent heureusement compter sur la justice administrative pour aiguillonner le politique. Une dizaine de jours avant la décision du 17 octobre 2022 du Conseil d’Etat infligeant au gouvernement une nouvelle amende de 20 millions d’euros pour non-respect des normes de qualité de l’air dans plusieurs zones en France, dont Paris, la cour administrative d’appel de Paris a rappelé, le 6 octobre, la maire de Paris à ses responsabilités s’agissant de santé environnementale et d’urbanisme.
En l’espèce, la maire de Paris avait délivré deux permis de construire pour des ensembles immobiliers sur dalle, à destination notamment de bureaux, d’habitations et de crèches, avec cette particularité d’enjamber le périphérique : le projet Mille arbres, près de la porte Maillot, qui est la portion routière la plus fréquentée d’Europe, et le projet Ville multi-strates, près de la porte des Ternes.
Jurisprudence environnementale
Ces permis ont été annulés par le tribunal administratif le 2 juillet 2021, à la suite de recours émanant notamment d’associations de protection de l’environnement et d’élus écologistes. Annulation donc confirmée par la cour administrative d’appel de Paris par deux arrêts du 6 octobre considérant que la municipalité n’aurait pas dû délivrer les permis de construire, en vertu de l’article R111-2 du Code de l’urbanisme qui permet de refuser un projet « de nature à porter atteinte à la salubrité publique ».
En effet, la cour a jugé que « le déplacement des polluants issus de la circulation automobile à l’entrée et à la sortie des tunnels créés par les projets entraînera, en particulier, une augmentation de la concentration de dioxyde d’azote aux alentours, où sont situés des immeubles d’habitation et de bureaux, ainsi que des établissements recevant du public, dont une résidence pour personnes âgées et une crèche, alors même que ces lieux connaissent déjà des taux de polluants élevés, qui peuvent dépasser les valeurs limites ».
Plusieurs enseignements importants doivent en être tirés par les responsables politiques locaux et nationaux.
D’abord, ce jugement s’inscrit pleinement dans le développement de la jurisprudence environnementale qui entend mieux protéger la santé des populations et va aller en s’amplifiant. Un entretien du 18 novembre, dans les colonnes du Monde, avec le vice-président du Conseil d’Etat, Didier-Roland Tabuteau, vient le confirmer : l’action insuffisante des responsables politiques en matière de climat ou de santé environnementale au regard des objectifs qu’ils se sont fixés sera désormais sanctionnée. Ce faisant, la juridiction administrative devient « le juge de la crédibilité » de l’action publique.
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