La carrière professionnelle de Dominique Hordé s’est arrêtée, de facto, le 30 janvier 2020. De son propre aveu, la sexagénaire ne s’est jamais remise de son passage de deux ans (2016-2018) au secrétariat général du Centre du don des corps (CDC) de la rue des Saints-Pères, le plus grand centre anatomique de France, fondé en 1953 et rattaché à l’université Paris-Descartes (devenue depuis l’université Paris Cité).
En arrêt de travail pour « stress post-traumatique », puis considérée comme atteinte d’une « maladie professionnelle imputable au service », Dominique Hordé a obtenu une victoire judiciaire dans son litige avec son employeur, l’université Paris Cité. Dans un jugement, que Le Monde a consulté, l’établissement a été condamné, mercredi 2 novembre, par le tribunal administratif de Paris à verser 15 000 euros à sa salariée « en raison de l’insuffisance des mesures prises par le service pour assurer sa sécurité et sa protection au travail et des répercussions sur sa santé engendrées par cette situation ».
Outre le « préjudice moral » subi par Mme Hordé, le jugement constate les dérives et « dysfonctionnements » persistants au CDC (corps démembrés et inutilisés, pannes d’électricité, incinérations de masse…) qui ont poussé le parquet de Paris à ouvrir une information judiciaire, en juillet 2020, portant sur les conditions de conservation et de mise à disposition des corps au sein de l’établissement.
« Pannes récurrentes »
A ce jour ont été mis en examen du chef d’« atteinte à l’intégrité d’un cadavre » deux ex-préparateurs du CDC, ainsi que l’université Paris Cité et Frédéric Dardel, l’ancien président de Paris-Descartes (2011-2019). Les révélations de L’Express quant à l’existence d’un « charnier » au CDC ont poussé l’ex-ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal à diligenter une inspection et à fermer administrativement le centre, en novembre 2019.
S’il a écarté les accusations de « harcèlement moral » portées par Mme Hordé, le tribunal administratif de Paris a reconnu le statut de lanceuse d’alerte de l’ex-secrétaire générale du CDC, en rappelant que cette dernière a signalé à l’université les nombreuses « pannes de réfrigérateurs » et « pannes récurrentes du monte-sujets », « l’absence de système de ventilation dans les espaces de conservation, les pavillons et les salles de dissection, et l’absence de climatisation autour des chambres froides et dans les salles de dissection », « les sols et les murs encrassés », « les canalisations bouchées ».
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