Laelia Benoit est pédopsychiatre et chercheuse associée au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Inserm, à Paris. Elle mène en ce moment une vaste étude sur l’impact du changement climatique sur le bien-être et la santé mentale des enfants et des adolescents au Yale Child Study Center (Yale School of Medicine) à l’université de Yale (à New Haven), aux Etats-Unis.
L’écoanxiété est-elle une maladie mentale ?
L’écoanxiété est une réaction naturelle et légitime à la crise écologique. Il ne s’agit pas d’une maladie. Ce n’est pas une nouvelle forme de dépression, et elle n’appelle pas un traitement médical : l’écoanxiété appelle une réponse sociale. De plus en plus de jeunes vont souffrir d’écoanxiété. Mais ne nous trompons pas de problème : c’est leur solitude face à une société qui ignore le changement climatique qui les fait souffrir.
Dans la crise climatique, les enfants et les adolescents sont une minorité dénuée du pouvoir de déterminer son avenir et subissant des choix qui lui sont néfastes. L’inaction écologique est donc une forme d’abus contre la jeunesse. Pour rappel, toute forme d’oppression sociale cause de réelles souffrances mentales et physiques : les enfants écoanxieux subissent les mauvais traitements d’une société qui ignore leur droit à vivre. Inutile, donc, de chercher le médicament miracle pour votre adolescent écoanxieux. C’est en combattant le changement climatique que nous les aiderons à reprendre espoir et à aller mieux.
Vous travaillez à une nouvelle enquête sur l’écoanxiété chez les jeunes de trois pays. Quels sont les premiers résultats ?
Notre enquête part d’un constat simple : tout le monde n’est pas aussi militant que Greta Thunberg. Mais alors, comment des enfants et adolescents « ordinaires » vivent-ils le réchauffement climatique ? Osent-ils passer à l’action ? Nous interrogeons en ce moment 120 jeunes de 6 à 18 ans, issus de milieux variés, et qui vivent en France, aux Etats-Unis et au Brésil, sur leurs émotions et leurs actions climatiques. Les premiers résultats montrent que les enfants sont ravis d’« aider » le climat avec des moyens à leur portée.
Les plus petits (6-10 ans) sont très empathiques envers les animaux, et ressentent une tristesse profonde face à l’extinction d’espèces. Aux adultes revient alors la tâche d’aider les enfants à accueillir ces émotions douloureuses, sans chercher à relativiser, à détourner l’attention, ou à cacher des vérités difficiles. Accepter la perte est une étape saine pour s’adapter à la réalité du monde, et les enfants savent mieux que quiconque accueillir leur tristesse lorsque l’on ne cherche pas à les en détourner.
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