La discussion parlementaire à venir sur une évolution de la loi sur la fin de vie, possiblement orientée vers le suicide assisté ou vers l’euthanasie, nous trouble. Bien sûr, il ne peut y avoir de contradiction entre théologie et politique, car le croyant – qui a choisi de se conformer à la loi divine – doit respecter la règle républicaine. Notre devoir de citoyens nous impose néanmoins d’exprimer le péril que ferait courir à la cohésion nationale une telle évolution.
D’après les sondages d’opinion, une majorité des Français préférerait être euthanasiée plutôt que de souffrir de douleurs intolérables. Voilà une réponse à une question mal posée car, avec les dispositions législatives actuelles et les derniers progrès médicaux, une telle alternative ne se pose pas. Toujours d’après les sondages, une majorité de Français ignore que des directives anticipées peuvent dicter leurs décisions médicales, et qu’elles peuvent inclure le droit pour chacun à demander une sédation profonde et continue jusqu’à son décès, même à domicile.
De quoi s’agit-il au fond ? L’euthanasie consiste en l’administration par un médecin de substances destinées à mettre fin à la vie d’une personne. Légale en Belgique, après demande explicite du patient, elle a vu dans ce pays ses indications élargies, même si le nombre de cas reste stable. Avec le suicide assisté (possible en Suisse, alors que l’euthanasie y est interdite), la substance létale est mise à disposition de la personne qui décide elle-même de l’ingérer ou de mettre en route le dispositif de perfusion du produit.
Quels enseignements tirer de ces différentes éventualités ? Euthanasie et suicide assisté se rejoignent cependant sur le plan moral dans la décision de « faire mourir » la personne. Même si celle-ci le demande, il s’agit d’une rupture catégorique de la relation médicale. La relation soigné-soignant est par essence asymétrique, d’autant plus que l’approche de la fin de la vie accroît la vulnérabilité. C’est la sollicitude du soignant qui rétablit l’équilibre de cette relation fragile. Décider de « faire mourir » une personne, même exceptionnellement pour quelques-uns, représenterait un risque de réelle profanation de l’acte de soin au sein de la société. Il ne s’agit pas d’un acte médical ; les médecins ne peuvent y participer.
Une voie originale
Les patients sont-ils pour autant abandonnés, risquant d’être soumis à des souffrances intolérables ? Avec la loi Leonetti de 2005 « relative aux droits des malades et à la fin de vie », notre pays a su trouver une voie originale qui respecte les droits de la personne en fin de vie et lui permet de s’opposer à des traitements dont elle ne voudrait pas. Le médecin doit alors se conformer aux souhaits du patient, même s’ils ont pour conséquence d’abréger sa vie. Chez un patient dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, la recherche de directives anticipées, le recueil de la parole de la personne de confiance antérieurement désignée par le patient ou une procédure d’instruction collégiale de ses dernières volontés constituent une avancée essentielle contre l’acharnement thérapeutique, tout en soulageant les souffrances. Nul ne trouverait à y redire.
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