Combien sont-ils ? 20 % ? 30 % ? Les pourcentages reviennent régulièrement dans la bouche des médecins comme dans celle de décideurs publics pour évoquer la part de patients qui se rendraient aux urgences sans en avoir réellement besoin. Soit cette « bobologie » dont parlent parfois les urgentistes, en englobant toutes ces personnes qui pourraient être prises en charge ailleurs vu leur état.
Combien sont-ils, donc ? La question résonne plus fortement ces dernières semaines, alors que de nombreux hôpitaux sont confrontés à des tensions inédites. Au moins 120 services d’urgence font face à de grandes difficultés depuis la fin du mois de mai, selon le syndicat SAMU-Urgences de France, certains devant fermer la nuit ou le week-end, faute d’effectifs suffisants. Parmi les réponses du gouvernement pour tenter de faire baisser la pression figure la régulation à l’entrée, par le SAMU principalement, afin de filtrer les « vraies » urgences et de réorienter les autres.
Pour connaître le profil des patients qui se présentent aujourd’hui à cette « porte d’entrée » de l’hôpital, il n’existe pas d’indicateur unique ou qui ferait l’unanimité pour savoir combien peuvent être écartés sans risque. Les rapports s’accumulent sur le sujet depuis des décennies, alors que la fréquentation des urgences n’a cessé d’exploser. D’environ 10 millions en 1996, le nombre de passages annuels y a atteint 21 millions en 2019, selon les dernières données statistiques, dans les 629 établissements de santé disposant de services d’urgence.
La part de patients dans les états les plus sévères n’évolue que peu, voire pas, au fil des années, selon le rapport du docteur Jean-Yves Grall, en 2015, sur la territorialisation des activités d’urgences. Les « cas graves » représentent ainsi environ 10 % des admissions, dont la moitié sont des urgences vitales. « Ce n’est pas tant la prise en charge des “vraies urgences” qui pose problème et provoque l’affluence que les demandes de soins non programmés, dont la nature est variée, reposant sur des situations diverses (maladies chroniques, personnes âgées, détresse psychique ou sociale, ressentis divers…) », écrit-il.
Un manque d’alternative
Mesurer et analyser « les passages évitables » paraît un « enjeu majeur » à la Cour des comptes, qui évoque le sujet dans son rapport annuel de 2019, où elle s’inquiète de voir les services d’urgence « toujours trop sollicités ». Autant pour des raisons médicales que financières, juge l’institution, qui chiffre le coût des passages annuels à 3,1 milliards d’euros.
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