Le livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs [Fayard, 400 p., 22,90 euros], devrait provoquer, du moins espérons-le, un débat nécessaire concernant la prise en charge de nos aînés. Il a, en tous les cas, d’ores et déjà suscité diverses propositions pour éviter que des situations comparables à celles rapportées dans ce livre ne perdurent. Même si elles appellent des réponses urgentes, essayons de poser sereinement quelques principes pour éviter de partir dans des débats stériles.
Evitons, tout d’abord, de tomber dans la simplification. La financiarisation au détriment du service rendu aux personnes âgées est inacceptable mais la qualité de ce service et le respect des droits des personnes ne dépend pas du statut juridique des établissements. Dans son rapport publié en mai 2021 sur « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad », la Défenseure des droits a indiqué que 45 % des réclamations reçues par ses services concernaient un Ehpad à statut public, 30 % un Ehpad privé associatif et 25 % un Ehpad privé commercial [en 2020, les structures publiques représentaient 51 % des places, le privé 29 %, et les établissements privés commerciaux 20 %].
La question de la prise en charge du grand âge ne se réduit pas non plus à la question des Ehpad. Disons clairement que les choix de notre société ne se font pas prioritairement en faveur de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées. Cela se traduit notamment par la décision, sans cesse repoussée, de la mise en place d’une reconnaissance de la perte d’autonomie comme étant un risque de protection sociale à part entière, qu’on l’appelle « cinquième risque » ou autrement. Un tel sujet nécessite des choix financiers.
Le rapport que Dominique Libault [directeur de la Sécurité sociale de 2002-2012] avait remis au gouvernement en mars 2019, après une large concertation, évaluait le besoin de financement public supplémentaire par rapport à 2018 à 6,2 milliards d’euros en 2024 et 9,2 milliards d’euros d’ici 2030. Les finances publiques ont, depuis, été mises à rude épreuve par la crise sanitaire et la conjoncture actuelle peut expliquer le report des choix à opérer lorsque se pose aussi la question du financement des retraites. Et ce dernier sujet préoccupe beaucoup plus le corps social. A-t-on vu des mouvements sociaux de grande ampleur descendre dans la rue pour revendiquer des moyens afin de compenser la perte d’autonomie des personnes du quatrième âge ?
Pilotage cohérent
L’entrée en institution est rarement l’expression d’un choix. C’est plus souvent la conséquence d’une mauvaise coordination des différents intervenants au domicile, lorsque les proches ne peuvent remplir ce rôle. Bien que le terme soit inapproprié, les quelques « Ehpad à domicile » qui ont vu le jour au cours de ces dernières années assurent, de manière efficace, cette fonction d’opérateur organisant à la fois l’aménagement du domicile, sa surveillance, la coordination des services de soins avec les services d’aide. C’est le pilotage cohérent des services à domicile qu’il faut renforcer. L’Ehpad de demain ne sera pas uniquement un lieu d’hébergement mais une plate-forme de services : accueil temporaire, accueil de jour, plate-forme d’accompagnement et de répit pour les aidants.
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