
Il y a encore un mois, Jérôme Peyruchaud risquait plus de sept ans de prison. Sa liberté et son sommeil retrouvé, il les doit en grande partie à des juges européens. Le 19 novembre, la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) a considéré que le cannabidiol (CBD), molécule présente dans le chanvre, n’avait pas d’effet psychotrope ou d’effet nocif sur la santé et ne pouvait être considéré comme un « stupéfiant ».
Récent propriétaire d’une boutique de CBD à Limoges, l’homme de 37 ans avait reçu en mai la déplaisante visite des gendarmes. « J’attendais une livraison pour le magasin, et, quand j’ai signé le reçu, plusieurs gendarmes armés sont sortis d’un véhicule et m’ont plaqué au sol devant mes enfants », raconte-t-il. Liquide pour cigarettes électroniques, fleurs de CBD, huiles, infusions… au total, 20 kg de marchandise venue de Suisse sont saisis à son domicile.
Après deux gardes à vue, il est mis en examen pour « importation, détention et acquisition de stupéfiants » et placé sous contrôle judiciaire. « J’étais bien conscient du flou juridique sur ces substances, mais je savais aussi que, selon les villes et les juridictions, c’était plus ou moins toléré, explique le gérant de La Maison du CBD. A Limoges, il y avait déjà un magasin de CBD, et il n’a jamais eu aucun souci avec la justice. Donc je me suis lancé. Quand tout ça m’est tombé dessus, je n’ai pas compris… »
Disparité des poursuites
Lors de l’audience devant le tribunal correctionnel de Limoges, en août, le procureur se montre sévère et requiert deux ans de prison ferme, avec mandat de dépôt. L’avocate du commerçant, Me Marinne Erhard, obtient cependant un sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la CJUE, qui débattait justement de cette question. Sept jours après la décision européenne, le 26 novembre, son client devient le premier à en bénéficier : le procureur rétropédale et demande la relaxe du gérant et la restitution des scellés. Le tribunal suit.
Me Ingrid Metton, avocate spécialisée dans les affaires de CBD, a obtenu la levée du contrôle judiciaire d’un gérant dans le Finistère, et l’annulation d’une mise en examen à Rodez
Comme M. Peyruchaud, de nombreux acteurs du « cannabis light » en France ont accueilli à bras ouverts « l’arrêt Kanavape » – du nom de la marque de cigarettes électroniques poursuivie en France et à l’origine de la question préjudicielle devant la CJUE. Des dizaines d’affaires sont encore devant les tribunaux et la décision des juges du Luxembourg – d’application directe en droit français – pourrait en débloquer un bon nombre.
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