
La fourgonnette louvoie sur la route départementale 911, traversant l’Aveyron du sud vers le nord. Le modèle du véhicule est le plus banal qui soit. Son itinéraire évite soigneusement les grands axes routiers. Son chargement est composé de quelques cartons et sacs-poubelle. Le voyage se déroulait sans anicroche, ce 19 janvier, jusqu’à ce qu’une patrouille en uniforme fasse signe au conducteur de se ranger sur le bas-côté. Contrôle douanier inopiné.
Chargé en Espagne, à destination des Pays-Bas, le contenu monochrome des cartons ne laisse guère place au doute. Ces fins cristaux blancs, affichant 613 kg sur la balance, alimentent un réseau de trafic de drogue… Mais il ne s’agit pourtant pas de cocaïne. Les premiers tests chimiques indiquent une réaction au PCP (phéncyclidine, un psychotrope hallucinogène), à la kétamine et aux « sels de bain ».
Envoyée d’urgence à un laboratoire spécialisé situé à Marseille, la poudre révèle son identité le lendemain. Cathinone de synthèse, un dérivé de feuilles de khat – un arbuste africain aux effets stimulants. La plus populaire parmi les « nouvelles substances psychoactives » (NSP), aussi appelées « nouveaux produits de synthèse » (NPS), ces drogues produites en laboratoire qui dérivent par modification chimique de drogues classiques ou de médicaments. Valeur estimée du butin : 9 195 000 euros.
Début juin, c’est au tour de la garde civile espagnole de faire une autre découverte : 3,2 tonnes de cathinone de synthèse sont saisies dans le port de Barcelone, représentant une valeur marchande de 61 millions d’euros. Jamais saisie de NSP n’avait été si importante en Europe, où ces drogues alimentent un marché émergent, sous haute surveillance.
« Course aux molécules »
« Chez les NPS, deux grandes familles sont particulièrement sous surveillance en France : les cathinones de synthèse – notamment la 3-MMC – et les cannabinoïdes de synthèse, en raison de leur diffusion croissante sur le territoire », indiquent Sabrina Cherki et Michel Gandilhon, chargés d’études à l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives. Ils précisent que, en 2017, 3,8 % des jeunes de 17 ans déclaraient en avoir déjà consommé – sans pour autant savoir identifier le type de NPS consommé –, contre 1,9 % en 2014.
« Spice Diamond », « Yucatan Fire », ou « Chill X », les noms rivalisent d’originalité
Plutôt que les dénominations scientifiques absconses, les consommateurs sont davantage familiers des noms commerciaux plus vendeurs, associés à des offres promotionnelles accessibles en quelques clics sur Internet et le dark Net et payables en bitcoins. « Spice Diamond », « Yucatan Fire », ou « Chill X », les noms rivalisent d’originalité. Le Buddha blue, ou « Pète ton crâne », est le cannabis de synthèse qui a sans doute connu le plus grand retentissement médiatique en France. Identifié en 2013, il a été repéré depuis dans plusieurs établissements scolaires, d’abord en Normandie puis dans les Hautes-Pyrénées, sous la forme de liquide à vapoter.
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