« Cet été, du travail j’en aurai. » Peu de doutes chez Patrick (son prénom a été modifié). Médecin urgentiste diplômé, il a quitté l’hôpital public en 2019 pour rejoindre un autre régiment, régulièrement critiqué dans le monde médical, celui des intérimaires. Le choix de la « liberté », plutôt que celui d’un rythme toujours plus malmenant. Depuis, le quadragénaire « bouche les trous ». Envoyé par des agences, ou contacté par les établissements, il enchaîne les remplacements courts dans des hôpitaux un peu partout en France. Et comme avant chaque été, une dizaine d’offres lui arrive chaque jour. Mais, avec toutes les tensions à l’horizon dans les hôpitaux français, un doute se manifeste : « La vraie question, ça va être les conditions de travail. »
Théoriquement, ces intérimaires constituent une réserve pour les hôpitaux, notamment dans les périodes de congés d’été ou de fêtes de fin d’année. Ils sont considérés comme des renforts nécessaires pour certains, qualifiés de « mercenaires » pour d’autres du fait du niveau plus élevé de leurs rémunérations, ou encore de « cancer de l’hôpital », pour Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui estimait leur nombre à près de 10 000 sur RTL début juin – aucun chiffre officiel n’existe –, contre près de 45 000 praticiens hospitaliers au 1er janvier 2021. Pourtant, la rustine de l’intérim ne devrait pas suffire en juillet-août. « Des services vont fermer en cascade ces prochaines semaines », déplore Jérôme Goeminne, président du Syndicat des managers publics de santé (SMPS).
« Prix totalement déréglés »
« Garde 24 heures : 2 500 euros net les 9, 14, 24, 29 juillet. » Sur les réseaux sociaux, quelques offres aux salaires mirobolants remontent. Des directeurs d’hôpitaux le reconnaissent : quand le remplacement est urgent, ou sur des jours fériés, il arrive que des paies atteignent le double ou le triple des médecins des services. Une minorité d’intérimaires font même pression jusqu’à quelques heures avant le service pour majorer leur rémunération. Bastien Ripert, directeur du centre hospitalier d’Antibes, en a été témoin dans son établissement précédent : « On est dans un marché déséquilibré, avec une raréfaction de l’offre, une demande toujours croissante, et donc des prix totalement déréglés. »
Un petit rire nerveux résonne dans le combiné. « Même à Noël, on ne connaît personne qui travaille à ces tarifs-là », affirme Christine Dautheribes, porte-parole du Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH). Elle-même anesthésiste intérimaire, elle évoque les 24 heures de garde payées environ 1 300 euros net depuis plus de dix ans. Le tout sans les congés payés, les formations, la même couverture sociale… Elle l’avoue : cette autre pénibilité, elle ne l’accepterait pas pour un salaire inférieur.
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