
Les laboratoires Servier « disposaient, à partir de 1995, de suffisamment d’éléments pour prendre conscience des risques mortels qu’ils faisaient courir aux patients » mais « ont maintenu envers et contre tout la commercialisation d’un médicament dont le bénéfice était très discutable, au mépris de la sécurité des patients et des conséquences sur la santé publique ».
Ce faisant, ils ont commis « une fraude d’une ampleur considérable et inédite, dont ont été victimes des milliers de patients » et « porté une atteinte particulièrement forte et grave à la légitime confiance des patients et des consommateurs dans les laboratoires pharmaceutiques et dans le système de santé en général ».
Dix ans après les premières mises en examen, un an et demi après l’ouverture du procès, neuf mois après sa conclusion, les laboratoires Servier ont été reconnus coupables de « tromperie aggravée » et de « blessures et homicides involontaires », selon le jugement rendu lundi 29 mars, aussi long (1 988 pages) et touffu que l’avait été l’audience. Ainsi en a décidé la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris : Servier a menti, il a ignoré les alertes qui, en 1995 et 1999 notamment, auraient dû le conduire à cesser la commercialisation du Mediator, et ses manœuvres pour le maintenir sur le marché à tout prix ont tué.
La SAS Servier et ses diverses filiales ont été condamnées à 2,7 millions d’euros d’amende. Jean-Philippe Seta, ancien numéro deux du groupe et seule personne physique jugée pour ces faits, a été reconnu coupable des mêmes délits, et condamné à quatre ans de prison avec sursis. Le parquet avait requis 10,3 millions d’euros d’amende contre Servier, et cinq ans de prison dont deux avec sursis contre M. Seta.
Pas de « jugement à 1 milliard »
L’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), qui, au cours des débats, n’a pas nié sa part de responsabilité mais a largement rejeté la faute sur le laboratoire, a été jugée coupable de « blessures et homicides involontaires », et condamnée à 303 000 euros d’amende. L’ANSM (ex-Afssaps) « a failli dans son rôle de gendarme du médicament », estime le tribunal. Son « imprudence » et ses « négligences » ont été mortelles, et ont contribué à « renforcer la défiance des citoyens envers les autorités de santé ».

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Une fois les sanctions pénales énumérées, le tribunal s’est prononcé sur l’action civile : l’indemnisation des victimes. Les avocats des quelque 6 500 parties civiles avaient plaidé le « jugement à 1 milliard », montant symbolique censé marquer les esprits, qui se décomposait en 500 millions d’euros pour les consommateurs de Mediator et leur entourage, et 500 millions pour la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) au titre de « l’escroquerie » dont cette dernière s’estimait victime, elle qui a remboursé pendant trois décennies un médicament inutile et toxique.
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