Qu’il s’agisse de la parole sur les agressions sexuelles ou de la reconnaissance de maux longtemps occultés comme l’endométriose, la transparence, souvent, libère. Elle peut aussi fragiliser. C’est le cas pour les malades de cancer. Recherche d’emploi, emprunt, assurance : le citoyen est sans cesse confronté à la maladie qu’il a traversée, comme si le cancer projetait, à perpétuité, une ombre sur son existence.
C’est pour cela qu’en 2017 RoseUp, notre association, a plaidé en faveur d’une loi sur le droit à l’oubli pour les anciens patients. Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, en avait fait une promesse de campagne : instaurer, après la fin des traitements pour le cancer, ce droit à l’oubli. Malheureusement, de renoncements en palinodies, cet engagement n’a jusqu’à présent pas été honoré. Il reste une chance si, sur le fil législatif, l’amendement présenté par les parlementaires Les Républicains (LR) et socialistes (PS) le 26 janvier au Sénat est adopté.
De quoi parle-t-on ? Précisément du droit d’occulter son passé médical. Du droit de ne pas être une victime à vie. Jusqu’en 2016, tout ex-malade devait déclarer à l’assureur son cancer passé jusqu’à vingt ans après la fin des traitements. Avec, en filigrane, cette idée que l’on n’en guérissait jamais. Que l’on restait en sursis. Et que l’on devait donc surpayer de monstrueuses primes d’assurance pour emprunter de l’argent. Afin de mieux réguler ce marché, la convention Aeras (« s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé »), faisant suite à la convention Belorgey, de 2001, a été signée en 2006 entre les professionnels de la banque et de l’assurance, les associations et les pouvoirs publics.
Mais, dans ce processus conventionnel, les assureurs ont joué la montre pour surtout ne rien « lâcher » des profits énormes générés par ces dizaines de milliers d’assurés massivement surprimés. Tel était d’ailleurs le diagnostic de l’Inspection générale des affaires sociales, qui concluait ainsi un rapport de mai 2015 : « Ces instances n’ont débouché sur aucune avancée concrète » en quatorze ans. En 2016, la législation sur le droit à l’oubli, en faisant passer de vingt à dix ans (cinq ans pour les jeunes de moins de 21 ans) le délai d’attente nécessaire avant ne plus déclarer son cancer, a ainsi débloqué une situation enlisée depuis quinze ans.
Ce que nous dit aujourd’hui la science est que l’immense majorité des cancers, s’ils n’ont pas récidivé cinq ans après la fin des traitements, sont guéris. Se dire guéri, c’est reprendre une vie normale. Acheter un appartement. Créer une entreprise. Vivre sans être hanté par le fantôme d’une maladie que l’on a vaincue. Etre un citoyen « égal ».
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