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L’argument sanitaire
Le tabac reste présent dans plus de 90 % des films français, selon une étude de la Ligue contre le cancer publiée en mai, alors que celui-ci provoque 75 000 décès chaque année et qu’il reste la première cause de mortalité par cancer en France. Plans sur un briquet ou un cendrier, personnages se grillant des cigarettes… l’analyse de 150 œuvres sorties entre 2014 et 2019 montre que les réalisateurs aiment la fumée.
L’argument artistique
Le tabagisme a diminué chez les Français, mais pas à l’écran. On fume même plus à l’écran que dans la réalité, selon l’étude de la Ligue contre le cancer : 65 % des films montrent un fumeur alors que seuls 25 % des Français fument régulièrement. Et, quand, à l’écran, on s’allume une cigarette, c’est souvent dans des lieux interdits. Pour la Ligue, le nombre de jeunes fumeurs serait réduit de 18 % si le cinéma était mieux réglementé.
L’argument légal
Depuis 1991, la loi Evin interdit toute forme de publicité directe et indirecte en faveur du tabac comme pour l’alcool ou les médicaments. Or, en banalisant le geste de fumer, les films valoriseraient le produit tant décrié. « Une incitation culturelle à fumer », déclarait l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn, en 2017, accusant le cinéma de faire de « la publicité détournée pour la consommation de tabac ».
Le contre-argument sanitaire
Ne nous trompons pas de débat. La lutte contre le tabac est déjà une priorité de santé publique, inutile d’impliquer le cinéma. Hausse du prix des cigarettes, interdiction de fumer dans les lieux publics, marketing du « Mois sans tabac », paquets dissuasifs… Résultat : malgré un léger rebond lié aux confinements, les Français fument moins qu’avant. Le nombre de consommateurs quotidiens a baissé de 4,5 points entre 2014 et 2019, selon les données de Santé publique France.
Le contre-argument artistique
L’art n’a vocation à être ni réaliste ni moraliste. Comme si James Bond, pendant les courses- poursuites, devait respecter le code de la route. Donc, si les réalisateurs veulent filmer leur héros cigarette au bec ou faire fumer 3 000 Gauloises à Thomas Shelby dans la série Peaky Blinders pour lui ajouter plus de charisme, libre à eux. On vous rassure, les 3 000 cigarettes fumées par ce dernier ont rapidement été remplacées par des substituts par la production.
Le contre-argument légal
Certes, 54 % des 18-24 ans tiennent l’industrie du tabac pour responsable de la valorisation de la cigarette au cinéma, selon l’étude de la Ligue contre le cancer. Pourtant, ce sont les placements de produits que la loi Evin interdit, et non l’incitation culturelle. Or, aujourd’hui, personne n’a connaissance de l’existence de contrats financiers entre cigarettiers et studios. Contrairement à certains agissements passés qui ont définitivement rendu accro le monde du cinéma !