Le professeur Antoine Pelissolo est chef de service de psychiatrie des hôpitaux Henri-Mondor et Albert-Chenevier (AP-HP, Créteil). Son dernier ouvrage, Les Emotions du dérèglement climatique (Flammarion, 220 pages, 19 euros), coécrit avec l’interne en psychiatrie Célie Massini, explore les effets directs et indirects du réchauffement climatique sur la santé mentale, et propose des solutions pour y faire face. Entretien avec un psychiatre inquiet mais optimiste.
Comment vous est venue l’idée de cet essai ? Surtout de votre expérience au quotidien, ou plutôt d’un intérêt personnel pour ces sujets ?
Les deux à la fois. Prenant en charge depuis longtemps des troubles anxieux, je constate que les inquiétudes autour de l’avenir climatique sont de plus en plus présentes chez nos patients. A titre personnel, mon regard sur ces questions est surtout médical, mais il y a un effet de génération : la jeune collègue avec qui j’ai écrit le livre est, elle, concernée personnellement. Elle avait envie de travailler sur cette thématique et en a même fait son sujet de thèse.
Au-delà des troubles d’éco-anxiété, nous nous sommes intéressés plus largement aux effets de l’environnement sur le psychisme. Nous avons exploré d’une part les effets d’événements aigus comme les canicules, les inondations ou les tsunamis ; et de l’autre ceux, moins brutaux et moins spectaculaires, des changements à bas bruit de notre environnement, y compris le rôle de la pollution. Ces sujets sont encore assez mal connus. Des travaux de recherche sont menés, mais c’est encore assez embryonnaire par rapport à ce qui se fait par ailleurs en psychiatrie.
Comment se présentent les patients atteints d’éco-anxiété dans vos consultations ?
Il s’agit le plus souvent de personnes qui consultaient déjà pour d’autres motifs. L’éco-anxiété est une des thématiques rencontrées dans l’anxiété généralisée, et qui devient centrale chez certains et notamment chez les jeunes.
Classiquement, les sujets principaux d’anxiété sont le travail, la santé, l’argent. Les préoccupations autour du climat et de l’écologie sont plus fréquentes depuis deux ans, la crise sanitaire a accentué le phénomène.
Dans mon hôpital, qui est un établissement spécialisé, on voit surtout des cas sévères, qui ont évolué par exemple vers une dépression. Mais tous les éco-anxieux ne consultent pas un psychiatre ou un psychologue, et il n’y en a pas forcément besoin.
Il faut considérer l’éco-anxiété comme une thématique qui peut aller, chez certains, jusqu’à un état de souffrance, avec des symptômes dans le champ des troubles anxieux : attaques de panique, angoisses, troubles du sommeil, et toute une gamme d’émotions négatives. Pour l’instant en tout cas, ce diagnostic n’est pas individualisé en tant que tel dans les classifications de maladies psychiatriques.
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