
Un sursis court, mais un sursis quand même. Alors que la maternité des Lilas devait cesser son activité en juin 2022 pour cause de déficit, de locaux vétustes, et pour n’avoir toujours pas trouvé, au bout de dix ans, d’établissement hospitalier auquel s’adosser, Cécile Lambert, directrice de l’offre de soins de l’agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France par intérim, a annoncé, fin avril à une délégation de personnels et d’élus réunis au ministère de la santé, qu’elle lui accordait un sursis d’un an au maximum. C’est-à-dire jusqu’en juin 2023. De quoi rassurer, au moins pour un temps, les professionnels et les usagers venus manifester ce jour-là contre la fermeture de leur « mater ».
Fondée en 1964 par la comtesse de Charnière, acquise à la méthode de « l’accouchement sans douleur », les « Lilas » est une véritable institution. Mais son modèle, fondé sur la possibilité pour les femmes d’accoucher de manière physiologique, nécessite une présence permanente de sages-femmes lors de l’accouchement, une démarche incompatible avec les exigences de rentabilité de l’ARS. « C’est un projet intéressant, mais le coût d’un accouchement y est deux fois supérieur. Cela rompt l’équité avec les femmes sur le reste du territoire », argue un ancien de l’ARS. En 2021, 1 107 femmes y ont accouché, et 600 interruptions volontaires de grossesse y ont été pratiquées.
Entre l’ARS Ile-de-France et la maternité, les relations ont toujours été compliquées. Dès la création de l’agence, en 2010, cette dernière la somme de s’adosser à une autre structure hospitalière, pour retrouver si ce n’est la rentabilité, au moins l’équilibre financier, et des conditions d’exercice plus sûres, ses locaux n’étant plus aux normes. En 2011, elle empêche la reconstruction de la maternité aux Lilas, car le projet ne prévoit pas le rapprochement avec une autre structure.
Un bail « déséquilibré »
« La gestion du dossier de la maternité des Lilas par l’ARS Ile-de-France, depuis quinze ans, est une gabegie financière », martèle Lionel Benharous, le maire (Parti socialiste) des Lilas, face à la grappe de manifestants réunis devant le ministère, fin avril. Sans solution, mais bloquée par la charge symbolique, l’ARS soutient chaque année la trésorerie de la maternité à hauteur de 4,5 millions d’euros, soit un tiers de ses 12 millions d’euros de budget.
Cette « gabegie », un rapport commandé au cabinet Syndex par le comité social et économique et les syndicats, et remis en novembre 2021, que s’est procuré Le Monde, permet d’en faire une radiographie. Parmi les lourdes charges de la maternité, le loyer de ses murs acquis dans les années 1970, par trois anciennes salariées et par son administrateur judiciaire d’alors, Pierre Zecri, président de la compagnie des administrateurs judiciaires.
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