
Deux cent soixante-quatre foyers recensés en France au 14 janvier (dont 224 dans les Landes) et 700 000 volailles abattues. L’épizootie d’influenza aviaire poursuit sa rapide diffusion dans le Sud-Ouest de la France. Pour le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie, la priorité est de « limiter la propagation et soutenir les éleveurs avec un accompagnement social et financier », selon ses mots du 12 janvier. Un versement d’acomptes pouvant atteindre 75 % des indemnités devait débuter cette semaine.
Mais les questions fusent pour tenter de comprendre pourquoi la région, fer de lance de l’élevage de canards gras destinés au foie gras, se trouve frappée pour la troisième fois en quelques années. En 2015-2016, le virus qui s’était répandu était de souche H5N1, et les canards étaient porteurs sains. Seuls les poulets étaient touchés. Mais en 2016-2017, le H5N8 avait déjà fait des ravages dans les élevages de volatiles. Depuis l’apparition du virus, à la mi-novembre 2020 en Corse, les décisions prises l’ont donc été en tenant compte de cette expérience précédente.
Pour Gilles Salvat, directeur de la santé et du bien-être animal à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), « le facteur déterminant, c’est la rencontre entre un virus hautement pathogène et une zone densément peuplée d’animaux sensibles ». Cette souche de H5N8 semble particulièrement virulente parmi les palmipèdes, chez qui elle se multiplie rapidement et est excrétée en grande quantité. En outre, les canards développent les symptômes quatre à cinq jours après le début de la période de contagiosité, permettant au virus de se diffuser à bas bruit.
Sous les roues
Selon l’Anses, l’introduction initiale dans les Landes est imputable aux oiseaux migrateurs venus du nord de l’Europe, où l’on a observé une mortalité exceptionnelle de l’avifaune sauvage. Mais une fois le pathogène introduit, ce sont plutôt les mouvements humains et la contamination de l’environnement qui ont facilité sa circulation entre élevages. « On a une contamination de proche en proche, par l’environnement, les échanges de personnels et matériels, les transferts d’animaux et la circulation de véhicules entre élevages », précise Gilles Salvat. Le virus peut ainsi se nicher sous les roues d’une camionnette ou dans la paille amenée dans un bâtiment.
Un autre facteur a joué : la météo. « Le H5N8 peut survivre une soixantaine de jours à 4 °C dans un environnement humide », détaille le responsable de l’Anses. Le rôle des oiseaux sédentaires des Landes reste, lui, encore à éclaircir : les services vétérinaires n’ont à ce jour pas constaté de mortalité accrue de cette avifaune dans le Sud-Ouest, sans exclure qu’elle soit un vecteur passif du H5N8. Pour l’épidémiologiste Mathilde Paul, professeure à l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse, « les filières ont fait des efforts considérables depuis 2017 en matière de biosécurité, pour sécuriser les transports notamment, mais face à un virus extrêmement contagieux, ça ne suffit pas ».
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