Claire Wolker est sage-femme orthogéniste et membre du conseil d’administration de l’Association nationale des centres d’avortement et de contraception, qui rassemble des professionnels travaillant dans les centres de planification et d’interruption volontaire de grossesse (IVG). Elle défend, à ce titre, la proposition de loi en faveur de l’allongement du délai d’IVG de douze à quatorze semaines, qui sera discutée à l’Assemblée nationale jusqu’au 3 décembre.
On estime que 3 000 à 5 000 femmes partent à l’étranger chaque année pour une interruption volontaire de grossesse parce qu’elles se retrouvent hors des délais légaux. Quel est le profil de ces femmes, et comment expliquer qu’elles ne parviennent pas à avorter dans les délais ?
Il n’y a pas de profil type, ces chiffres recouvrent des situations diverses. Ce sont, pour certaines, des femmes en situation de vulnérabilité, de précarité. Certaines sont éloignées des parcours de soins. Il faut rappeler qu’une IVG sur quatre se déroule dans un contexte de violences, c’est une notion importante à prendre en compte pour comprendre ces situations.
Par ailleurs, cela peut paraître surprenant mais ce n’est pas toujours si simple pour les femmes de savoir qu’elles sont enceintes. Certaines peuvent avoir des cycles très irréguliers et ne pas se savoir enceintes rapidement, ou encore avoir leurs règles malgré la grossesse. D’autre part, entre 50 et 60 % des IVG se font sous contraception : la contraception ne protège pas à 100 %. Les grossesses sous stérilet, sous pilule, ça arrive ; encore hier, j’ai reçu une femme portant un stérilet et qui se retrouve enceinte. Or, quand on a une contraception, on est moins sur le qui-vive, ce qui explique qu’on découvre la grossesse de façon différée.
De nombreux médecins sont opposés à l’allongement des délais au motif qu’il ne s’agit pas du même geste médical à douze et quatorze semaines de grossesse. Ils disent qu’ils ne pratiqueront pas d’IVG tardives si la mesure passait, et pointent les risques sur la santé des femmes. Qu’en pensez-vous ?
Il y a déjà des praticiens qui ne font pas les IVG jusqu’au terme actuellement prévu par la loi. Ils décident qu’ils ne pratiquent pas d’IVG au-delà d’un certain terme. Ce sont des réticences du même ordre, me semble-t-il. Ceux-là vont évidemment être encore plus réticents si l’allongement des délais de douze à quatorze semaines est voté.
Le geste n’est pas tout à fait le même entre un tout début de grossesse et une grossesse plus tardive : au-delà de neuf semaines, on est dans une IVG instrumentale. Mais il n’existe pas une grosse différence entre douze et quatorze semaines. Quant à la méthode, pour tout ce qui est un peu nouveau, il est d’usage pour les praticiens de se former. Les praticiens espagnols et hollandais, notamment, le font déjà.
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