Conséquence de l’allongement des délais de prescription et de l’amplification de la durée des peines, le vieillissement de la population carcérale met en lumière les limites de la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie. La présence progressive de personnes âgées interroge l’institution carcérale française sur sa capacité à redéfinir le principe d’uniformité de traitement.
En réalité le défi est crucial, car il donne à voir deux notions : d’« âge » et de « vieillissement », qui posent la question du sens de la peine lors de la fin de vie en milieu contraint.
Inversement, bien loin du magma sémantique qui nous était servi durant la campagne présidentielle pour justifier la montée en puissance du « construire plus pour incarcérer plus », avec des projets pénitentiaires largement fantasmés, la législation française ne prévoit aucune prise en charge spécifique pour les personnes détenues âgées. L’inflation du vieillissement carcéral interroge de facto le sens et le lieu que l’on attribue à une peine sociale invisibilisée dans sa justesse et sa dignité.
Un taux d’occupation de 114,3 %
Il nous faut engager un plan national d’action sollicitant une orientation politique courageuse dans sa révision des priorités budgétaires en faveur de l’amélioration de la prise en charge de détenus âgés. Priorisant le développement de lieux de vie en milieu ouvert, plutôt que l’extension décousue du parc immobilier médicalisé pénitentiaire.
Si la machine répressive reste lancée tambour battant, les prisons françaises ont du mal à répondre aux besoins de santé des détenus âgés. Gageons alors que ce début de nouveau quinquennat soit une opportunité éclairée pour repenser non pas une énième réforme pénale, mais plutôt la place de la probation dans des alternatives urbaines à l’emprisonnement de personnes âgées en perte d’autonomie.
Au 1er janvier, la capacité opérationnelle du parc immobilier pénitentiaire était de 60 749 places pour 69 448 détenus, soit un taux d’occupation de 114,3 %, d’après le ministère de la justice. Et selon l’Observatoire international des prisons, les personnes âgées de plus de 60 ans, dont certaines de plus de 80 ans, représentaient 4,1 % de la population écrouée, soit 2 820 personnes. Depuis le début des années 1990, leur nombre a été multiplié par 7.
Un constat donc ancien et répété avec des conséquences dramatiques : promiscuité spatiale et humaine, exiguïté des cellules, hygiène insuffisante, alimentation déséquilibrée. Sans compter la difficulté d’obtenir aides et équipements médicaux nécessaires : auxiliaires de vie, matelas anti-escarres, lit médicalisé, couchage adapté, cellule pour personne à mobilité réduite ou fauteuil roulant.
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