ARTE RADIO – VENDREDI 11 FÉVRIER – À LA DEMANDE – PODCAST
Mathilde a un amoureux et un enfant. Elle travaille, aime « sortir avec ses potes, boire des coups et bien manger ». Et puis elle a Gilles, son colocataire depuis l’enfance, presque un membre de la famille à part entière. Pour évoquer ce compagnon singulier, le syndrome de Gilles de la Tourette, la journaliste Camille Descroix a choisi une immersion sonore dans le quotidien de sa grande sœur, en Bretagne.
De cette maladie neurologique caractérisée par des tics vocaux et moteurs, Mathilde a principalement des manifestations vocales. Ses « ah ah » intempestifs pendant les conversations, les promenades, ponctuent le podcast. Mathilde se raconte, sa petite sœur décrypte. Avec de jolis mots, et beaucoup d’humour, qui semble être un trait familial.
« Gilles ne lui coupe pas la parole, il s’intercale entre ses mots ou au moment de sa respiration. C’est un peu comme s’il avait trouvé sa place », raconte la journaliste. Au fil de l’enregistrement, où l’auditeur s’habitue vite aux tics vocaux de la jeune femme, Camille Descroix balaye les idées reçues sur cette pathologie pas si rare – elle touche un enfant sur 200 – et trop souvent caricaturée dans les médias et les séries télé.
Cohabitation joyeuse
Non, les propos obscènes (coprolalie) ne sont pas un signe cardinal du syndrome de Gilles de la Tourette, la grande majorité des « tiqueurs » n’en a pas. De même qu’il ne rime pas avec maladie mentale ou déficience intellectuelle. Surtout, et ce sera sûrement une bouffée d’air frais pour les familles concernées, l’histoire de Mathilde montre bien que si les tics vocaux et moteurs sont un véritable handicap, notamment social, ils peuvent être vécus sans trop de drame.
En retraçant son parcours, la jeune femme décrit les stratagèmes qu’il a fallu inventer (comme chanter pour masquer ses tics à ses débuts professionnels dans la restauration), les situations embarrassantes (à l’école, notamment) et les quiproquos parfois provoqués par ses vocalises ou ses gestes incontrôlés.
Mais, elle le dit avec conviction, elle a fait en sorte que Gilles puisse s’intégrer à son quotidien. Elle mène la vie dont elle avait envie, et ne subit pas tellement de discriminations. Sa cohabitation joyeuse avec Gilles suscite même parfois la sympathie, voire l’admiration, de ses clients.
Le podcast évoque peu les aspects médicaux du syndrome de Gilles de la Tourette et les possibilités de traitement. La journaliste a cependant donné la parole à une « docteure de la voix », une phoniatre, qui réalise des injections de toxine botulique dans les cordes vocales pour contrer des tics vocaux très invalidants chez certains patients. Car il ne faut pas l’oublier, Gilles est pour certains un compagnon bien encombrant.
Gilles, ma sœur et moi, de Camille Descroix (Fr., 2022, 20 min).