
S’il est une certitude à propos du glyphosate, c’est que la saga de ses cycles de réévaluation par les autorités réglementaires n’est jamais avare de rebondissements. En voici un nouveau avec l’annonce, mardi 10 mai, que l’expertise européenne nécessaire à sa réautorisation ne parviendrait à son terme qu’en juillet 2023, et non dans le courant du second semestre 2022 comme prévu initialement. Dans un communiqué commun, les deux agences chargées de la réévaluation – l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) – invoquent le grand nombre de commentaires formulés par les experts des Etats membres et la société civile à l’endroit du rapport d’évaluation préliminaire.
Dans une déclaration, la commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, s’est dite « profondément préoccupée par [ce] retard » mais a pris note « du grand intérêt suscité par le processus d’évaluation ». « Il est extrêmement important que toutes les nouvelles preuves soient soigneusement examinées et prises en compte », a-t-elle ajouté. Sauf nouveau coup de théâtre, cet imprévu devrait conduire l’Europe à permettre, en 2023, l’utilisation dérogatoire de l’herbicide controversé, son autorisation arrivant à échéance le 15 décembre 2022.
En creux, l’embolisation du processus suggère une intensification de la controverse sur la sûreté de l’herbicide, le pesticide le plus utilisé au monde. La dispute a commencé en 2015 avec sa classification comme génotoxique et « cancérogène probable » – avis avec lequel l’EFSA et l’ECHA sont en désaccord. Un désaccord réitéré en juin 2021 par les agences réglementaires des quatre Etats rapporteurs (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède) chargés d’établir le rapport préliminaire de l’expertise européenne. Ce texte de plusieurs milliers de pages estime que le glyphosate ne remplit aucun des critères d’interdiction (cancérogénicité, mutagénicité, reprotoxicité, perturbation endocrinienne).
Soumis à consultation publique, ce rapport de juin 2021 a généré plus de 350 commentaires de la société civile et d’institutions scientifiques, ainsi que quelque 2 400 commentaires d’experts des Etats membres, selon l’ECHA et l’EFSA. « L’ensemble de ces contributions constitue à présent un dossier d’environ 3 000 pages », détaillent les deux agences. Un dossier qui doit être soumis aux industriels et aux agences des quatre Etats rapporteurs chargés de l’évaluation préliminaire. Le retard, précisent l’ECHA et l’EFSA, « découle de l’obligation d’étudier en détail tous les commentaires reçus ».
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