Tribune. Les conséquences dramatiques de la crise sanitaire sur la santé mentale des Français n’auront échappé à personne. Près de la moitié des 20-24 ans souffrent de troubles anxieux, les troubles dépressifs ont doublé depuis septembre 2020 et la consommation de psychotropes explose. Incertitudes, précarité économique, deuils, isolement social constituent autant de terreaux fertiles à l’augmentation de la souffrance psychique.
Face à cet enjeu majeur de santé publique, qui risque de s’inscrire dans la durée, l’offre de soins en psychiatrie est sinistrée. En effet, malgré l’importance des moyens consacrés chaque année par l’Assurance-maladie à la psychiatrie (23,2 milliards d’euros, loin devant les maladies cardiovasculaires ou le cancer), l’accès aux soins reste très faible et la moitié des personnes souffrant de troubles psychiatriques ne reçoivent aucun soin.
Faute d’une réflexion de fond sur le sujet et en l’absence d’une certaine forme de radicalité dans les décisions prises, la situation de crise profonde dans laquelle se trouve la psychiatrie risque de s’enliser, au détriment des patients comme des professionnels de santé, actuellement asphyxiés par une demande croissante à laquelle ils ne peuvent répondre.
Des soins collaboratifs
Aujourd’hui, la psychiatrie, trop souvent isolée du reste du système de soins, est débordée. Dans de nombreux pays, une approche dite « graduée » a permis d’augmenter très largement l’accès aux soins et d’assurer des repérages bien plus précoces. Cette approche suppose d’investir massivement dans la première ligne et notamment en médecine générale où se font plus de 60 % des premières consultations pour troubles mentaux.
Il est urgent de donner aux médecins généralistes les moyens de prendre correctement en charge les troubles les plus fréquents que sont les dépressions et les troubles anxieux, qui touchent chaque année près de 20 % de la population. Pour réaliser ce virage, il faut leur permettre d‘avoir à leurs côtés des infirmiers qui les aident au quotidien dans leur prise en charge des personnes en souffrance psychique. Cette organisation, appelée soins collaboratifs, a fait ses preuves dans de nombreux pays.
« Le remboursement des psychologues de ville, qui vient d’être annoncé pour les enfants dans le cadre de la crise sanitaire, doit également s’étendre aux psychologues spécialisés dans les adultes »
Les médecins généralistes, appuyés dans leur pratique par ces infirmiers, doivent également pouvoir prescrire à leurs patients des psychothérapies lorsque celles-ci sont nécessaires. Or aujourd’hui, les psychologues ne sont pas reconnus comme des professionnels de santé et leurs soins ne sont pas remboursés, contrairement à ce qui se fait dans la plupart des pays voisins. Une expérimentation menée par l’Assurance-maladie dans quatre départements depuis trois ans a montré l’intérêt d’un tel dispositif dont la généralisation coûterait, selon la Cour des comptes, 85 millions d’euros par an : une somme à mettre en regard des souffrances engendrées par la non prise en charge, de l’engorgement des services spécialisés et des 23,2 milliards d’euros investis chaque année sur la psychiatrie. Le remboursement des psychologues de ville, qui vient d’être annoncé pour les enfants dans le cadre de la crise sanitaire, doit également s’étendre aux psychologues spécialisés dans les adultes.
Il vous reste 33.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.