Cela fait plus de six mois que Julianne, 20 ans, n’a pas connu une bonne nuit réparatrice. « Quand j’ai de la chance je m’endors vers 1 heure du matin… La plupart du temps, c’est vers 3 ou 4 heures », raconte l’étudiante en droit, qui se sent « constamment fatiguée ». L’engrenage a commencé quand les cours ont rebasculé en ligne en octobre : l’organisation un peu chaotique de l’enseignement et des examens a créé chez elle des « crises de panique », qui ont décalé durablement son sommeil. Etre enfermée toute la journée n’aide en rien : elle la finit « épuisée émotionnellement mais pas physiquement ».
Alors que l’impact de la crise sur le sommeil observé au printemps 2020 a eu tendance à se résorber pour la population générale, les jeunes continuent à être fortement affectés, indique une étude menée durant le deuxième confinement auprès de 1 000 Français par l’Institut national du sommeil et de la vigilance. Près de 40 % des 18-24 ans ont rapporté des troubles du sommeil, contre un quart de la population générale. « Cette tranche d’âge est déjà en temps normal vulnérable, souligne Stéphanie Mazza, neuropsychologue et enseignante-chercheuse spécialiste du sommeil à Lyon-I. Là, ce sont ceux qui continuent à être le plus tenus à domicile, avec les cours à distance. »
« L’activité numérique induit aussi peu de marche, de lumière naturelle… Tous les leviers de maintien de la santé physique et mentale sont atteints », souligne Stéphanie Mazza, neuropsychologue
Avec l’enseignement en ligne, les facteurs aggravants des troubles du sommeil sont réunis. « Pour les étudiants, toute la vie est regroupée dans un même petit espace, le lit sert parfois de bureau », remarque la chercheuse, qui pointe également l’effet néfaste des écrans, devant lesquels les étudiants sont rivés pour leurs cours, mais aussi pour se divertir. « La lumière bleue des écrans a un impact très délétère sur l’horloge interne, observe-t-elle. L’activité numérique induit aussi peu de marche, de lumière naturelle… Tous les leviers de maintien de la santé physique et mentale sont atteints. »
Cercle vicieux
Pablo Samuel, qui étudie les sciences de la terre à l’université, lie le début de ses problèmes de sommeil à ses premières migraines générées par les écrans. Puis, c’est l’anxiété qui l’a emporté. Le Strasbourgeois de 18 ans n’avait pas imaginé devoir vivre la quasi-totalité de sa première année d’étudiant à distance. « Je n’arrive plus à suivre mes visio. Cela m’angoisse de décrocher, et s’ajoute de la culpabilité », raconte le jeune homme, qui ne dort que quelques heures par nuit et en voit des conséquences sur sa santé : davantage de tendance à tomber malade, une perte de l’appétit, mais aussi une forme de déprime qui s’installe.
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