
L’heure de rendre des comptes a sonné pour Orpea. Le géant européen des maisons de retraite privées commerciales est mis en demeure de rembourser 55,8 millions d’euros par l’Etat français, qui l’accuse de « détournement » de fonds publics. Le Monde a eu accès au contenu de la notification adressée à l’entreprise le 29 juillet par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), chargée de gérer les crédits de la Sécurité sociale attribués au secteur du grand âge. La CNSA dénonce les « irrégularités dans la gestion des dotations publiques (…) détournées de leur finalité au regard des textes en vigueur ».
« Orpea remboursera les sommes dont l’affectation était inadéquate », a réagi l’entreprise dans un communiqué de presse le 2 août. Mais elle évoque des « divergences d’appréciation » sur les sommes exigées. Et s’engage à apporter « ses réponses à la CNSA dans le délai imparti ». Le groupe a un mois pour faire connaître sa position. Le bras de fer financier est donc engagé. Mais le rapport de force n’est pas à coup sûr à l’avantage de l’Etat.
« Nous nous accordons le droit de demander la restitution des dotations publiques qui n’auraient pas été utilisées en direction des résidents comme il se doit », avait annoncé, le 26 mars, Brigitte Bourguignon. Celle qui était alors ministre déléguée chargée de l’autonomie avait affiché sa détermination à « taper fort » après le rapport accablant des Inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS), chargées par l’exécutif d’enquêter sur les révélations du journaliste Victor Castanet, auteur du livre Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros), paru en janvier. La mission IGAS-IGF qui a contrôlé les comptes d’Orpea entre 2017 et 2020 a validé sa démonstration. M. Castanet avait mis au jour les stratagèmes du groupe pour optimiser l’usage de l’argent public afin d’augmenter les bénéfices aux dépens des moyens affectés aux résidents.
Changement de stratégie
Orpea s’était défendu en bloc d’avoir mis en place un « hypothétique système visant à optimiser les fonds publics ». Mais la nouvelle direction a changé de stratégie. Le directeur général qui a pris ses fonctions en juillet, Laurent Guillot, sait que redresser l’image du groupe – et le cours des actions en Bourse, en chute libre depuis six mois – exige de faire amende honorable sur certaines « pratiques ».
Interrogé par Le Monde, Orpea se dit d’emblée prêt à rembourser une partie de la dette. C’est le cas pour un montant qui s’élève à 5,7 millions d’euros dans le courrier de la CNSA. Ce total correspond aux remises accordées par les fournisseurs de 2017 à 2020 sur l’achat de matériels (protections pour incontinence, produits de soins), payées avec des dotations publiques. « Nous rendrons les sommes », indique le nouvel état-major.
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