
Sur le parvis du « centre civique municipal » du quartier barcelonais de Gracia – mélange de maison des associations, des adolescents et de la culture –, Maryam Fuentes, éducatrice sociale de 30 ans, et Julia Arias, psychologue de 29 ans, se fondent parmi les jeunes qui jouent au ballon, papotent ou prennent des cours de dessin. Les deux femmes à l’allure juvénile, souriantes et avenantes, tiennent la permanence d’un service pionnier offert par la cité catalane dans treize centres civiques de la ville, baptisé Konsulta’m.
Depuis mars 2021, ces deux professionnelles, qui travaillent d’ordinaire dans un centre de santé mentale infantile et juvénile (CSMIJ), public, sont détachées tous les mardis et jeudis après-midi dans cet espace informel et familier des adolescents. Au deuxième étage du bâtiment, elles reçoivent de manière anonyme et gratuite, sans rendez-vous, sans blouse blanche et sans que les parents en soient nécessairement informés, les jeunes âgés de 12 à 22 ans qui auraient besoin de parler de leurs problèmes.
« Lors de la première visite, nous essayons d’évaluer leur mal-être et de les conseiller. Si nous voyons qu’ils présentent un symptôme clinique, nous les réorientons vers un CSMIJ, mais notre mission est surtout portée sur la prévention, explique Julia Arias. Lorsqu’un problème est détecté à temps, nous évitons qu’il devienne chronique ou pathologique et dérive sur des troubles mentaux plus graves. Et, d’une certaine manière, nous aidons à désengorger les services de santé mentale, qui sont saturés. »
« Trouver ma place »
Antonio (qui n’a pas souhaité donner son nom), grand brun aux yeux noirs de 22 ans, est déjà venu deux fois depuis septembre. « Je ne me voyais pas dans un fauteuil à raconter mes problèmes à un médecin âgé. Mais, ici, c’est comme parler à des copains, confie-t-il avec un sourire timide. J’ai pu dire à haute voix ce que je ressens, la sensation de ne pas trouver ma place et, en même temps, de ne pas avoir le droit d’être triste parce qu’un homme doit être fort. » Lucia Salazar, 18 ans, elle, n’a plus senti le besoin de revenir au Konsulta’m après sa cinquième séance. « Julia et Maryam m’ont donné des conseils pour ne pas me détester et apprendre à socialiser. Sans elles, je pense que je me serais enfoncée dans mon mal-être… »
Depuis le début de l’année, les treize Konsulta’m, disséminés dans les différents districts de Barcelone, ont ainsi reçu près de 2 300 jeunes, soit 700 de plus qu’en 2021. Et moins de 7 % ont dû être réorientés vers un centre de santé mentale. Forte de ce succès, la mairie a ouvert huit autres Konsulta’m pour les plus de 22 ans. Et elle poursuit le déploiement d’autres outils d’aide psychologique, dans le cadre du plan de santé mentale 2016-2022, déployé dès l’arrivée au pouvoir de la formation de la gauche alternative Barcelone en commun, portée par la militante du droit au logement Ada Colau.
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