Le nom du virus de la variole du singe devrait être amené à changer, car il est jugé « stigmatisant » par la municipalité de New York, laquelle a demandé à l’Organisation mondiale de la santé de réfléchir à un nouveau nom. L’intention est de favoriser la prise en charge des patients et de favoriser le dépistage de cette maladie. En effet, les personnes infectées ou susceptibles de l’être éprouveraient une honte à se faire dépister. Cette maladie virale doit son nom à sa découverte, en 1958, chez des macaques dans un laboratoire danois.
Ces débats révèlent, une fois de plus, les rapports problématiques que les sociétés occidentales entretiennent avec le terme « singe ». En effet, les cultures monothéistes ont construit l’identité de l’humain en opposition à l’animal. Parmi les animaux, les singes ont une place singulière : de tout temps, les humains ont perçu leur grande similitude avec eux et, pour cela, les singes ont suscité fascination et répulsion.
En Occident, le singe est si problématique que nous avons du mal à le voir pour lui-même. Dans notre culture, il est l’animal des extrêmes. Il peut être humanisé à outrance, par exemple dans les « singeries », ces tableaux représentant des singes ayant une apparence, des postures, des comportements et des vêtements humains, dans des scènes comiques de la France du XVIIIe siècle, mais aussi les peintures de Gabriel von Max, La Planète des singes, de Pierre Boulle [1963], et ses adaptations cinématographiques. Ou alors le singe est bestialisé à outrance, comme on peut le voir dans les sculptures d’Emmanuel Frémiet [1824-1910] ou avec le personnage de King Kong.
Pas de jugement de valeur
Dans d’autres cultures, le singe n’est pas spécialement dévalorisé. Il est, par exemple, symbole du souhait de réussite sociale chez les Chinois, il chasse les mauvais esprits, et, ne l’oublions pas, il est l’un des animaux de l’astrologie chinoise. En Afrique, les singes sont admirés pour leur force physique, leur intelligence et leur agilité. Selon les cultures et les espèces de singes, leur viande peut être consommée pour tenter d’acquérir ces capacités, ou alors ils peuvent être protégés, car considérés comme proches des humains. Ainsi, les chimpanzés et les bonobos sont, pour certains Congolais et Ougandais, issus d’un humain qui, ayant fauté, serait parti se cacher en forêt pour échapper à une punition.
Que dit la science au sujet de la place du singe ? Pour les systématiciens, les professionnels de la classification biologique, « singe » se rapporte à la catégorie des simiiformes. Parmi les presque 500 espèces de primates, ce sont ceux qui présentent des deux os dentaires fusionnés entre eux, ainsi que les deux os frontaux entre eux. Les singes présentent, en outre, une fermeture postérieure de l’orbite par une paroi osseuse, ainsi que toute une série de signatures génétiques communes. En somme, à part les lémuriens et les tarsiers, qui n’ont pas ces caractères, les singes sont des primates.
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