Qui croire ? Dans son expertise collective « Pesticides et effets sur la santé », présentée mercredi 30 juin, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) prend la question au sérieux. Les experts mandatés par l’institut ont ainsi consacré des sections entières de leur rapport à explorer les controverses qui ont traversé le monde scientifique et la société, notamment sur la dangerosité du glyphosate et d’une famille de fongicides, les SDHI (pour inhibiteurs de la succinate déshydrogénase).
Dans ces deux cas, des interprétations divergentes des données ont alimenté, ces dernières années, de vives polémiques entre les agences réglementaires (chargées d’évaluer les pesticides avant leur mise sur le marché) et des collectifs de chercheurs ou des institutions scientifiques. « Plusieurs travaux de sciences sociales soulignent le risque d’une séparation croissante entre la toxicologie “réglementaire” (…) et la recherche académique en toxicologie », note ainsi la synthèse du rapport d’expertise de l’Inserm. En d’autres termes, les produits jugés sans danger par les autorités sanitaires peuvent être considérés bien trop risqués par la communauté scientifique.
Evaluations opposées
L’exemple le plus emblématique est celui du glyphosate, classé « cancérogène probable » en 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), mais jugé non cancérogène par la plupart des agences réglementaires dans le monde. Le CIRC assure que les preuves de génotoxicité du glyphosate sont « fortes », tandis que le même glyphosate est jugé non génotoxique par les agences et n’est pas considéré comme un perturbateur endocrinien.
L’expertise collective de l’Inserm penche du côté de l’évaluation du CIRC. « De nombreuses études mettent en évidence des dommages génotoxiques (cassures de l’ADN ou modifications de sa structure), observent-ils à propos du célèbre herbicide. Ces dommages, s’ils ne sont pas réparés sans erreur par les cellules, peuvent conduire à l’apparition de mutations et déclencher ainsi un processus de cancérogenèse. » La présomption du lien entre l’exposition professionnelle au glyphosate et le risque de lymphomes non hodgkiniens (LNH) est jugée « moyenne » par les experts de l’Inserm.
Ces derniers posent en outre une nouvelle pierre dans le jardin des agences réglementaires : « Des études expérimentales suggèrent des effets délétères en lien avec un mécanisme de perturbation endocrinienne, une toxicité mitochondriale (mitotoxicité associée à des perturbations comportementales dans des modèles comme le poisson zèbre), une activation des voies œstrogéniques sans liaison aux récepteurs de l’œstradiol ou une altération de la stéroïdogenèse. » Des caractéristiques qui font suspecter des propriétés de perturbation endocrinienne.
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