
Ce jour, Frédéric Pécharman l’attendait depuis treize ans. Mercredi 16 mars devant la Maison du don à Toulouse, le fondateur du collectif Homodonneur a le sourire. Aujourd’hui, lui et tous les « hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes » (HSH) peuvent donner leur sang, sans conditions. « On était tellement impatients qu’on l’a fait dès ce matin ! » s’exclame-t-il, venu avec quelques membres de l’association qu’il a fondée en 2009, après qu’un don de moelle lui a été refusé.
Depuis 1983, le don de sang était interdit aux hommes dits « HSH » (gays, bisexuels…). En 2016, une première ouverture l’autorise, sous condition d’une abstinence sexuelle de un an. Un délai abaissé à quatre mois en 2019. C’est en janvier qu’un arrêté a officiellement annoncé la suppression de toute référence au genre des partenaires sexuels dans la sélection des donneurs.
A Nice, Erwann Le Hô, président du Centre LGBTQIA+ de Côte d’Azur, est venu à l’ouverture de la Maison du don, devenant le premier donneur homosexuel de la ville. Un geste « multisymbolique » pour ce militant. « Depuis petit, j’ai toujours vu mon papa le faire. Mais, à 71 ans, il ne peut plus. Cette ouverture, c’est comme une autorisation à prendre son relais », confie celui qui est né en 1983, année du décret lui interdisant de donner son sang.
« Je me sentais exclu »
Au début des années 2000, lorsqu’il tente de faire ce geste pour la première fois, il n’est pas au courant de l’interdiction imposée aux hommes « HSH ». « Après avoir lu mon dossier, le médecin m’a répondu d’une manière très sèche : “On va s’arrêter là !” » se souvient le Niçois. Il sort de cet entretien « en pleurant ». Cette fois, il dit avoir été « très bien accueilli » : « Certains membres du personnel étaient aussi bouleversés que moi ! Ça montre que les années ont passé. »
Une semaine après la mise en œuvre de l’arrêté, Benoît (qui n’a pas souhaité donner son nom), 37 ans, était lui aussi au rendez-vous pour une collecte dans le 10e arrondissement de Paris. « J’ai donné régulièrement jusqu’à mes 20 ans. Malheureusement, à cause de la législation en vigueur, j’ai dû arrêter », raconte-t-il, sa collation à la main. « J’ai entendu parler de l’ouverture du don aux homosexuels. C’est pour ça que je suis venu aujourd’hui, pour la première fois depuis 2004 », confie à demi-mot ce Francilien, content de pouvoir de nouveau « sauver des vies ».
Damien Testu, 27 ans, a prévu de donner son sang « début avril ». Arrivé à Paris en 2013, où les centres de dons sont facilement « accessibles », il aurait aimé accomplir ce « devoir » citoyen il y a longtemps. La question crée des débats dans son entourage, toutes orientations confondues : « Certains amis homosexuels allaient à l’encontre de l’interdiction, cachaient leur identité, parce qu’ils considéraient que c’était plus important de donner. » Lui s’abstient, refusant de « mentir » sur son orientation. « Je voyais les campagnes de prévention de l’Etablissement français du sang [EFS] qui répétaient qu’il y avait un énorme besoin. Ça me révoltait. Je me sentais exclu. Alors qu’on parle de santé, quelque chose où on devrait être le plus inclusif possible », juge-t-il.
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