« Arrêtez de vous priver ! », exhortent les lettres capitales en rouge et orange sur la couverture du livre. David Khayat se désole : « Plus personne ne peut mordre dans un millefeuille ou piocher dans une portion de frites sans paniquer. » Dans son dernier best-seller, paru en début d’année (Albin Michel, 224 pages, 19,90 euros), le célèbre cancérologue part à l’assaut des « nouveaux diktats » de l’« hygiénisme », de la « judiciarisation morale » que serait la quête d’une bonne santé, source d’« un stress permanent et insidieux dont le bourreau est la culpabilité ».

Alcool, sucre ou sel seraient de simples « péchés mignons du quotidien » que le médecin, fort de son titre de professeur, recommande d’aborder avec bonhomie. « Tout est possible aujourd’hui », assure-t-il en s’appuyant sur des articles de presse plutôt que des données scientifiques. Tout est possible, d’après lui, même le tabac, première cause de mortalité par cancer évitable dans le monde.
A ceux qui n’arrivent pas à arrêter de fumer, David Khayat conseille dans son livre d’« essayer la cigarette électronique ou les cigarettes à base de tabac chauffé, bien moins dangereux », pour « se procurer de la nicotine de manière moins toxique ». La cigarette tue 75 000 personnes par an dans l’Hexagone, selon Santé publique France. Aussi, d’après lui, mieux vaut proposer aux fumeurs « quelque chose de moins cancérigène plutôt que de leur refuser un tabagisme à risque réduit ». Cette approche, dite de « réduction des risques », est pourtant loin de faire l’unanimité dans le monde de la santé publique. En l’absence de recul suffisant pour observer les possibles effets nocifs de ces dispositifs, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) la désapprouve.
Un « monde sans fumée »
Ce précepte, appliqué dans le traitement de la toxicomanie, a cependant été récupéré par les industriels du tabac pour faire la promotion de ces nouveaux produits électroniques. Philip Morris, en particulier, vend depuis 2014 l’IQOS, un dispositif de tabac chauffé dont elle fait valoir les « risques réduits ». Les études qu’elle sponsorise l’assurent : puisqu’il n’atteint pas la température de la combustion, le tabac des mini-cigarettes insérées dans l’IQOS dégagerait entre 90 % et 95 % de substances nocives en moins.
Or, ses lecteurs n’en sont pas informés, mais David Khayat est désormais consultant chez Philip Morris. Pour poser tout sourire sur le site de « Philip Morris International Science » en compagnie d’employés du fabricant des Marlboro, le fondateur de l’Institut national du cancer (INCa) a troqué l’autorité de la blouse blanche, dont il s’est longtemps drapé en couverture de ses recueils de recettes « anticancer », pour la cravate à motif.
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