
Mi-février, les fins limiers de la répression des fraudes ont débarqué dans les locaux parisiens de Yuka. La start-up, à qui l’on doit une application mobile notant la qualité nutritionnelle des produits industriels, le sait : ses appréciations, plébiscitées par 15 millions de Français dont 6 millions d’utilisateurs réguliers, ne sont pas toujours du goût des entreprises agroalimentaires. La carotte, emblème de Yuka, leur reste parfois au travers de la gorge.
« L’enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes [DGCCRF] semble avoir été lancée à la suite de l’intervention de certains industriels. Mais nous ne savons pas lesquels », raconte Julie Chapon, cofondatrice de la start-up. Elle ajoute : « Les contrôleurs ont tout épluché, ils cherchaient une faille. » Selon nos informations, Yuka n’était pas seule en ligne de mire. La DGCCRF a lancé ses filets sur d’autres organismes ayant également créé des applications mobiles décryptant le profil nutritionnel des aliments, pour valider la fiabilité des notations, à l’image de QuelProduit, l’application lancée fin 2020 par l’association de consommateurs UFC-Que choisir.
Un épisode qui illustre le difficile combat pour lever le voile sur les cuisines de l’industrie agroalimentaire, désireuse de garder ses secrets de fabrique. Dans ce feuilleton au long cours, un autre rebondissement a été largement médiatisé : la bataille qui oppose, devant les tribunaux, Yuka et l’industrie charcutière. La start-up a, en effet, reçu une triple salve d’artillerie lancée par la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT) d’une part, et par deux entreprises appartenant au vice-président de ce syndicat professionnel, Antoine d’Espous, d’autre part.
« Actes de dénigrement »
Au cœur du conflit : la présence d’additifs nitrités dans les jambons et autres saucissons. Des additifs controversés pour leur effet présumé sur la santé, mais appréciés par les industriels pour la touche rosée qu’ils apportent à la charcuterie et pour l’allongement des dates limites de consommation. En première instance, la FICT a obtenu, fin mai, du tribunal de commerce de Paris la condamnation de Yuka à supprimer le lien fait dans l’application entre chaque produit de charcuterie et un avis de l’Organisation mondiale de la santé évoquant les risques cancérigènes de la consommation de viande transformée, accompagné d’une pétition lancée conjointement par la start-up, Foodwatch et la Ligue contre le cancer, demandant l’interdiction des additifs nitrités. Le tribunal lui a également infligé une amende de 20 000 euros pour « actes de dénigrement ». Les entreprises de M. d’Espous réclament, quant à elles, plus d’un million d’euros de dommages et intérêts.
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