Le géant de l’agroalimentaire Nestlé a-t-il tenté de bloquer un étiquetage contre la malbouffe au Mexique ? L’organisation non gouvernementale suisse Public Eye l’affirme. Dans un rapport publié vendredi 1er juillet, elle lève le voile, copies d’échanges de courriels à l’appui, sur le lobbying mené, fin 2019, par le fleuron helvétique dans un pays où sept Mexicains sur dix sont en surpoids ou obèses. L’ONG assure que le gouvernement suisse a été « instrumentalisé » par Nestlé pour faire pression sur les autorités mexicaines. L’opération a échoué. La norme est appliquée.
L’alerte est partout sur les emballages alimentaires mexicains. Depuis presque deux ans, de larges étiquettes noires octogonales informent le consommateur sur les ingrédients nocifs pour la santé : « excès en graisse saturée », « en sucre », « en calories »… L’avertissement est à la hauteur de l’urgence : le pays s’est hissé au deuxième rang des nations les plus touchées par le surpoids et l’obésité parmi les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, après les Etats-Unis. Le Mexique décroche la palme de la surcharge pondérale chez les enfants : 38 % des Mexicains de 5 à 11 ans sont en surpoids, selon l’Institut mexicain des statistiques. La nouvelle réglementation interdit aussi la publicité sur la malbouffe à destination des mineurs.
Un enjeu de taille pour Nestlé. « L’entreprise réalisait un chiffre d’affaires, en 2019 au Mexique, de près de 3 milliards d’euros, explique Laurent Gaberell, auteur de l’enquête de Public Eye. Plus d’un milliard de ventes de produits Nestlé était menacé par ce nouvel étiquetage. » Le projet de norme a été publié en octobre 2019, puis adopté en mars 2020. « C’est durant cette période que Nestlé a tenté de modifier le contenu de la nouvelle réglementation avec le soutien des autorités suisses », souligne M. Gaberell.
Les Mexicains tiennent bon
Le 15 novembre 2019, un collaborateur de Nestlé adresse un courriel à un interlocuteur du ministère suisse de l’économie (SECO), demandant de « l’aide » et des « recommandations ». Les noms sont caviardés dans les courriels obtenus par Public Eye, après une demande faite au nom d’une loi helvétique sur la transparence et l’accès à l’information. Ce jour-là, le courriel est accompagné d’un argumentaire de Nestlé censé guider le SECO dans ses échanges diplomatiques avec les autorités mexicaines. Le mémorandum déplore une norme trop « restrictive », suscitant des « craintes inutiles » chez les consommateurs.
Il vous reste 61.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.