
Ce jour de mai, ils sont trois femmes et deux hommes, au sixième étage du service de diabétologie de l’hôpital Lariboisière (AP-HP), à participer à un atelier, afin de tester un nouveau système pour traiter leur diabète de type 1. Appelé « boucle semi-fermée » ou abusivement « pancréas artificiel », le dispositif allie une pompe à insuline externe, un capteur de mesure continue du glucose et un terminal, qui héberge des algorithmes permettant de réguler l’administration de l’insuline. La gestion de ceux-ci peut être physiquement séparée (smartphone ou tablette connectée), ou intégrée à la pompe. Les patients sont hospitalisés, durant cinq jours, pour se familiariser.
Cent ans après la découverte de l’insuline, c’est toujours l’hormone qui soigne, mais la qualité du produit et son mode d’administration ont considérablement changé. Sa découverte puis son administration, en 1922, à Toronto (Canada), par une équipe pluridisciplinaire composée de John Macleod (1876-1935), Frederick Banting (1891-1941) et Charles Best (1899-1978), ont bouleversé la vie de personnes qui n’avaient jusqu’alors aucune chance de survie. Banting et Macleod obtiendront l’année suivante le prix Nobel de médecine.
Mais revenons à Lariboisière. Les cinq patients sont tous porteurs d’un diabète de type 1 (DT1), qui ne représente que 5 à 10 % des cas de diabète. Dans ses deux formes, cette maladie chronique, définie par une glycémie supérieure ou égale à 1,26 g/l, mesurée à deux reprises, ne cesse d’augmenter depuis une vingtaine d’années. Les estimations sont de 537 millions de patients dans le monde en 2021, dont 4,5 millions en France.
Dans ce dossier, nous nous concentrerons sur le diabète de type 1, appelé « insulinodépendant ». Cette pathologie auto-immune se caractérise par une carence totale de production d’insuline, l’hormone qui réduit le taux de glucose (sucre) dans le sang, par le pancréas. Le DT1 concerne environ deux cent mille personnes, en France. Dans le diabète de type 2, le pancréas produit encore de l’insuline, mais elle est moins efficace ou en quantité inadaptée (on parle d’insulinorésistance). Dans les deux cas, faute de traitement, les complications aiguës et chroniques sont nombreuses, et le risque de mortalité accru.
Perfusion automatisée
Pour ces patients DT1, la plupart diagnostiqués dans l’enfance, le quotidien est rythmé par la mesure de la glycémie et les injections d’insuline. La technologie a cependant beaucoup évolué, permettant à nombre d’entre eux de ne plus avoir recours aux piqûres. Nées dans les années 1990, les pompes à insuline, qui équipent désormais près de 30 % des diabétiques de type 1, permettent d’éviter les injections pluriquotidiennes de l’hormone. Parallèlement, depuis les années 2000, l’accès à des capteurs de glucose en continu a mis fin à la nécessité de se piquer le bout du doigt pour certains. Depuis une dizaine d’années, des logiciels permettent d’automatiser la perfusion d’insuline en fonction des mesures de glycémie prises par le capteur. Désormais, l’intelligence artificielle change la donne. « En trente ans de diabétologie, je n’ai jamais vu ça, l’insulinothérapie automatisée pourrait révolutionner le quotidien des patients », constate Jean-Pierre Riveline, responsable du Centre universitaire du diabète et de ses complications (CUDC) à Lariboisière, qui coordonne ces sessions de formation.
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