Emmanuel Macron a annoncé, mardi 13 septembre, le lancement d’une convention citoyenne sur la fin de vie, qui sera « constituée dès octobre ». Cette dernière rendra ses conclusions dans le courant du mois de mars 2023, a par ailleurs fait savoir l’Elysée dans un communiqué.
Le gouvernement engagera parallèlement un « travail concerté et transpartisan » avec les députés et sénateurs, a souligné la présidence. « L’ensemble de ces travaux permettra d’envisager le cas échéant les précisions et évolutions de notre cadre légal d’ici à la fin de l’année 2023 », a ajouté l’Elysée.
Que permet la loi actuelle sur la fin de vie ? Qu’interdit-elle ?
Euthanasie, suicide assisté… Ce que la loi interdit
La loi française interdit l’euthanasie dite active, c’est-à-dire l’administration délibérée de substances létales dans l’intention de provoquer la mort, à la demande du malade qui désire mourir ou sans son consentement, sur décision d’un proche ou du corps médical. Selon la loi, il s’agit d’un meurtre, un crime punissable de peines allant de trente ans de réclusion criminelle à la perpétuité. Le code pénal prévoit aussi l’interdiction d’exercer la profession pour les médecins qui s’en rendraient coupables.
La législation française interdit également le suicide assisté, qui consiste pour un soignant à donner à un malade qui le demande les moyens de mettre fin à ses jours.
Euthanasie et suicide assisté sont en revanche autorisés dans une poignée de pays en Europe. Les Pays-Bas et la Belgique ont été les deux premiers pays européens à avoir autorisé l’euthanasie il y a vingt ans. Le Luxembourg a dépénalisé en 2009 l’euthanasie et le suicide assisté, tout comme l’Espagne, qui a adopté une loi allant dans le même sens en mars 2021.
La Suisse autorise le suicide assisté, dont la pratique est encadrée par des codes de déontologie médicale et est pris en charge par des organisations. L’Autriche a légalisé, par un vote du parlement en décembre 2021, le suicide assisté pour les personnes atteintes d’une maladie grave ou incurable. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Enfin, en Italie, où le code pénal punit « l’instigation ou l’aide au suicide », la Cour constitutionnelle a dépénalisé de fait en septembre 2019 le suicide assisté dans certains cas : pour les malades pleinement conscients « maintenus en vie par des traitements (…) et atteints d’une pathologie irréversible, source de souffrance physique et psychologique qu’ils estiment intolérable ».
Sédation profonde, directives anticipées… Ce que la loi autorise
Pour l’heure, en France, c’est la loi Claeys-Léonetti, adoptée en 2016, après une première version en 2005, qui encadre la fin de vie des malades incurables. Elle permet une « sédation profonde et continue jusqu’au décès » pour des malades en phase terminale et en très grande souffrance, dont le pronostic vital est engagé « à court terme ». Ce court terme, qui va de quelques heures à quelques jours, a été défini par la Haute Autorité de santé.
Le patient est endormi, les traitements (l’hydratation et la nutrition sont notamment considérées comme tel), arrêtés, et des antidouleurs sont administrés. La sédation peut avoir lieu au domicile du malade, s’il le souhaite, ou à l’hôpital.
La loi prévoit l’arrêt des traitements en cas « d’obstination déraisonnable » (ou acharnement thérapeutique) : si le patient le souhaite, les traitements peuvent être « suspendus » lorsqu’ils « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Si le patient ne peut exprimer sa volonté, la décision doit être prise par les médecins de façon « collégiale ». Dans tous les cas, « le médecin doit sauvegarder la dignité du mourant et assurer la qualité de la fin de vie en dispensant les soins palliatifs appropriés », précise le texte de loi.
Le texte de 2016 renforce la valeur des « directives anticipées » que les patients sont à même de formuler, en prévision d’une situation où ils ne seraient plus en mesure d’exprimer leur volonté. Ces directives peuvent être couchées sur papier libre ou via le formulaire proposé par le ministère de la santé. Le document doit être daté et signé, et le patient doit s’identifier par ses noms, prénoms, date et lieu de naissance.
Le patient peut par ailleurs désigner une personne majeure qui le représentera s’il n’est plus en mesure de s’exprimer. La parole de cette personne, dont la désignation est révocable à tout moment, prédomine sur les souhaits des autres proches et de la famille du patient.
Accès aux soins, pronostic à moyen terme… Ce que la loi ne règle pas
« On n’a jamais mis les moyens nécessaires pour mettre en place cette loi, on n’a pas les moyens de faire notre travail », tranche la doctoresse Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs à Narbonne et présidente de la Société française de soins et d’accompagnement palliatif. En France, « deux tiers des patients n’ont pas accès aux soins palliatifs, soit 200 000 personnes chaque année », explique-t-elle. Par ailleurs, « vingt-six départements ne disposent pas de service de soins palliatifs ». Les patients ont alors deux options : « soit être pris en charge par un service moins adapté, soit partir loin de chez eux ».
La mise en place de la loi « demande des moyens humains que nous n’avons pas et un accompagnement du patient et de ses proches extrêmement rapproché, que nous n’avons pas le temps d’apporter », insiste Claire Fourcade.
« La sédation profonde et continue jusqu’au décès s’adresse aux malades qui sont à l’agonie », explique au Monde Jonathan Denis, président de l’association pour le droit de mourir dans la dignité. « On va arrêter les soins, la médecine va se retirer et on va attendre que la personne parte. Ce qui peut survenir rapidement comme prendre plusieurs semaines. Ainsi, la loi ignore toutes les personnes qui ne sont pas à l’agonie mais qui ont un pronostic vital engagé à moyen terme. Il n’y a pas d’autre solution que de partir en exil en Belgique ou en Suisse. »